d’entre elles ont appris à se défier des hommes des vallées et des plaines, et elles ne descendent pas volontiers de leurs nids d’aigle ; ces populations clairsemées n’auront peut-être jamais un grand rôle dans l’essor économique de l’Indo-Chine, mais leurs traditions et leurs mœurs offrent, au point de vue ethnographique et historique, un très grand intérêt ; elles occupent d’ailleurs les rives du Mékong, le royaume de Luang-Prabang, c’est-à-dire les régions frontières entre le Siam et nos possessions ; nous aurions donc profit à nous attacher ces tribus, au caractère doux et pacifique, chez qui les châtimens corporels sont inconnus et dont quelques-unes ignorent jusqu’au mot qui signifie voler, et à favoriser leur multiplication. Elles sont décimées par les épidémies, soixante-dix pour 100 des enfans périssent, la plupart enlevés par la petite vérole. L’éducation hygiénique devrait être l’un des premiers articles du programme d’une « politique indigène ; » or, le Laos n’a actuellement que quatre médecins pour plus d’un million d’habitans !
L’Exposition de Marseille aura beaucoup contribué à nous révéler ces populations si intéressantes, puisque c’est à l’occasion de l’Exposition que M. Armand Raquez, — un voyageur qui sait être aussi un savant et un psychologue, — a parcouru les régions les moins connues du Laos et recueilli des documens précieux sur les races et les mœurs du pays. L’exposition du Laos est faite de ses collections d’ethnographie, d’histoire naturelle et d’art qui, il faut l’espérer, viendront ensuite enrichir l’un de nos musées coloniaux. M. Raquez lui-même est commissaire de la section du Laos ; il dit volontiers le charme des pays laotiens et l’attrait de ces populations, leurs costumes pittoresques, leur caractère craintif et bienveillant, leurs mœurs policées et douces. Au théâtre indo-chinois, tandis qu’au premier étage une troupe annamite interprète un drame où le tigre donne une leçon de pitié à la férocité des passions humaines, au rez-de-chaussée dansent et chantent trois petites Laotiennes, délicat et gracieux échantillon de la race. Drapées dans leurs écharpes aux tons discrets et passés, fines comme des bronzes antiques, fragiles comme des bibelots d’étagère, Sao-Boun, Sao-Deng, Sao-Si dansent d’après des rites millénaires, avec des gestes lents, souples, décens, dont chacun a une signification presque sacrée, tandis que la flûte de bambou les accompagne sur un mode très doux. Nous sommes au Laos, bien loin des bamboulas nègres ou