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Marseille, dont on a l’habitude de ne considérer que l’activité maritime et commerciale, est devenue une de nos plus grandes villes industrielles, et c’est surtout à cette transformation qu’elle doit d’être restée l’un des plus grands ports du monde[1]. Mais il faut bien voir que la transformation industrielle est liée intimement à l’expansion coloniale et aux échanges avec les colonies : si arides que soient les nomenclatures et les statistiques, il est nécessaire d’en donner quelques-unes pour mettre en lumière cette vérité capitale.

Parmi les industries marseillaises, la minoterie est l’une des principales ; une centaine d’usines y sont occupées. Les blés russes, argentins, indiens affluent à Marseille, ainsi que les fèves, les maïs ; c’est elle aussi qui reçoit les blés durs d’Algérie et de Tunisie dont les industriels marseillais ont trouvé le moyen de transformer la farine en semoules et en pâtes alimentaires ; soixante fabriques de ces pâtes prospèrent à Marseille et emploient annuellement environ 3 millions d’hectolitres de blés durs. Marseille réexporte chaque année de grandes quantités de farine en Algérie, Tunisie, Maroc ; ainsi, c’est elle qui achète les blés de nos colonies et elle qui nourrit colons et indigènes. Les rizeries marseillaises alimentent les noirs du Sénégal avec du riz provenant en grande partie d’Indo-Chine. Trois grandes brasseries emploient les orges des colons algériens. Les industries des corps gras, savonneries, stéarineries, huileries, sont celles qui ont pris à Marseille le plus magnifique développement : Marseille achète les huiles d’olives de Tunisie et d’Algérie[2], qui sont loin de suffire à ses besoins ; elle achète les arachides du Sénégal et de Pondichéry[3], les sésames de Guinée, les graines de lin d’Algérie, les palmistes de la Côte d’Ivoire et du

  1. Le tonnage de jauge net de tous les ports français, entrées et sorties réunies, s’élevait, en 1904, à 34 millions de tonneaux ; Marseille, avec son mouvement de 13 352 000 tonneaux, en représente les deux cinquièmes, 39 p. 100. Au point de vue de la valeur de ce commerce qui dépasse 9 milliards de francs, Marseille en représente le 24 p. 100.
    Voici maintenant la comparaison du mouvement de Marseille avec celui des plus grands du continent européen :
    TONNAGE DE JAUGE NETTE (ENTRÉES ET SORTIES RÉUNIES)

    1904 Hambourg 19 221 273 tonneaux de jauge.
    — Anvers 18 713 410 —
    — Marseille 13 352 500 —
    — Gênes 12 070 697 —
  2. 3 546 000 kilogrammes en 1903.
  3. L’huilerie marseillaise a employé, en 1903, 494 000 tonnes de graines.