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à M. Lepiètre ; ils ont exprimé leurs condoléances à sa famille, — et déclaré finalement qu’ils recommenceraient dans huit jours. Ce sont des juristes improvisés, mais forcenés, qui parcourent Paris en criant : Vive la loi ! De beaux cris peuvent servir à de vilaines besognes. Tout le monde n’a pas le droit de faire la loi, tout le monde non plus n’a pas celui d’en assurer l’exécution. C’est une fonction dévolue par la loi elle-même à certaines personnes, sous certaines garanties : il y a anarchie lorsqu’elle est usurpée par des bandes toujours prêtes à passer de la menace à la violence. On se demande si nous sommes, gouvernés par ce qu’on a conservé l’habitude d’appeler le gouvernement, ou par la Bourse du travail et les syndicats !

L’agitation faite autour de la loi sur le repos dominical aurait un effet salutaire si elle amenait les Chambres à la remettre à l’étude et à l’amender. Le principe doit en être maintenu très fermement, mais l’application pourrait en être sensiblement améliorée. Toutefois, nous doutons qu’on s’y prête. Les Chambres prennent de plus en plus, l’habitude, après avoir fait les choses par à peu près, de pousser à l’exécution telle quelle et quand même. Elles semblent mettre leur amour-propre à ne jamais corriger leur œuvre, comme si elle était nécessairement parfaite en sortant de leurs mains. La loi de séparation est parfaite ! La loi sur le repos dominical l’est aussi ! Peut-être faudrait-il, en effet, peu de chose pour les rendre présentables ; mais c’est précisément ce peu de chose qu’on ne veut pas y introduire. Pensez donc ! on aurait l’air de céder aux injonctions du dehors. Tout doit plier, au contraire, devant l’œuvre du législateur. Ce n’est pas lui qui vingt fois sur le métier remettra son ouvrage. Cette patience était bonne autrefois. Aujourd’hui le Sénat vote sans y regarder la loi de séparation que la Chambre lui envoie, après lui avoir consacré une seule lecture ; et la Chambre, à son tour, fait la même chose pour la loi sur le repos dominical que lui envoie le Sénat dans des conditions identiques. Ces marques de confiance sont peut-être des politesses que les Chambres échangent. Mais, est-ce là faire des lois ? N’est-ce pas plutôt les bâcler ? On s’en aperçoit quand on en vient à l’application : alors Chambres et gouvernement s’entêtent à n’y rien changer. Tant pis pour les intérêts en cause ! Le législateur fait passer son amour-propre avant tout. Il dirait volontiers à la manière de M. Henri des Houx : Je suis un fabricant de lois ; le reste ne me regarde plus.

L’attention a été ramenée sur l’île de Cuba par les troubles qui s’y