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psychologie actuelle de l’Église de France pour avoir le moindre doute qu’ils le feraient. Au reste, l’Église est menacée ; elle traverse une épreuve redoutable où il n’y a pas pour elle de péril supérieur à celui de la moindre division. La Lettre des évêques, venant après l’Encyclique Gravissimo officii, ne pouvait avoir pour objet que de manifester ce sentiment : elle a pleinement rempli son objet.

Nous ne nous attarderons pas à refaire une fois de plus, à l’exemple des évêques, la critique de la loi de séparation, et notamment des associations cultuelles. Il est désormais plus pratique de prendre les choses comme elles sont, et de partir du point où on les a conduites. La question est de savoir comment l’Église de France s’organisera pour vivre. Elle reste à nos yeux fort obscure. « Nous vous ferons parvenir en temps utile, disent les évêques, les instructions nécessaires à cette fin, selon les éventualités qui pourront se produire. » Le Saint-Père avait annoncé dans sa première Encyclique une intention du même genre. Il n’y a pas persévéré jusqu’au bout, puisqu’il a fait appel à l’initiative des évêques pour « disposer et organiser le culte religieux. » Ceux-ci, on le voit, ne déclinent pas la mission qui leur est confiée ; ils promettent de la remplir ; mais nous sommes les premiers à reconnaître qu’il leur est impossible de dire dès maintenant ce qu’il conviendra de faire « selon les éventualités qui pourront se produire, » mais qui ne se sont pas encore produites, et dont le caractère reste très incertain. Personne ne sait comment la loi sera appliquée. Deux hypothèses sont en présence. L’une, — et c’est celle que le gouvernement paraît avoir adoptée, — consiste à dire que la loi suffira à tout, quoi qu’il arrive, et qu’elle sera appliquée telle qu’elle est, sans qu’il soit nécessaire d’y apporter le moindre amendement. L’autre, au contraire, envisage la nécessité de modifications plus ou moins nombreuses, et ceux qui la soutiennent n’ont pas beaucoup de peine à démontrer que le veto du Pape a rendu la loi inexécutable dans sa forme actuelle, puisque les associations cultuelles en sont le pivot, et que ces associations sont interdites. De ces deux hypothèses, laquelle l’emportera ? Peut-être en surgira-t-il une troisième ; peut-être la force des choses nous poussera-t-elle les uns et les autres à une cote mal taillée, à une situation de fait qu’on dira conforme à la loi sans qu’elle le soit vraiment, et qui, suivant les circonstances, évoluera dans un sens que personne ne prévoit. Aussi comprenons-nous que les évêques se réservent, attendant les événemens avant de se prononcer.

Il semble, en effet, que le gouvernement, tout en protestant très