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ądroit, n’a pas cru devoir, — pour le moment, — franchir le seuil du XIXe siècle, et, tout en souhaitant qu’il écrive quelque jour ce livre, nous ne pouvons pas décemment lui faire un reproche de ne pas l’avoir encore écrit.

Nous ne lui reprocherons pas davantage de n’avoir vraisemblablement écrit son premier livre, sur « les progrès des connaissances relatives à l’Orient, » que pour servir en quelque manière d’introduction au second, sur « l’Orient dans la littérature française au XVIIe et au XVIIIe siècle. » Aussi bien, contient-il sur la multiplication des « récits de voyages » entre 1650 et 1750 ; sur les travaux des missionnaires, où la botanique et l’astronomie, l’histoire des langues et celle des mœurs occupent autant de place que l’évangélisation ; et enfin sur le mouvement d’expansion coloniale, depuis Colbert jusqu’à Law, des renseignemens du plus grand intérêt. Mais, puisque c’est particulièrement son second livre qui nous regarde ici, nous nous y attacherons donc uniquement et nous en résumerons l’intérêt d’un seul mot, en disant qu’il forme un chapitre à peu près inédit de l’histoire des influences étrangères dans le développement de la littérature française.

On sait, — et nous autres, Français, n’avons rien négligé, ne négligeons rien pour accréditer cette opinion, — que le Français, remarquable en tout temps, et à tout âge, par son ignorance de la géographie, ne le serait pas moins, s’il ne l’est même plus encore, par l’indifférence dédaigneuse qu’il aurait toujours témoignée pour les littératures étrangères. Même aujourd’hui, je ne vois guère paraître d’article, dans nos jeunes Revues, je dis sur un Anglais, sur un Allemand, sur un Italien quelquefois inconnus de leurs compatriotes, où cette indifférence aux littératures étrangères ne nous soit éloquemment, amèrement, furieusement, et à nouveau reprochée. Et, en effet, si l’on veut dire qu’aux vitrines des libraires, — non pas de Londres, au moins ! — mais de Berlin, de Vienne ou de Rome, il se voit plus de romans français qu’il ne se voit, aux étalages parisiens, de romans italiens, ou de « pièces » allemandes, on a raison. Mais, si l’on veut parler sérieusement, et qu’avant de parler on ait pris la peine de parcourir, très rapidement, l’histoire de la littérature française, il apparaît alors, avec une entière évidence, que, presque à aucune époque de cette longue histoire, notre littérature française n’a perdu