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minimum : 56 879 francs pour près de 17 millions d’affaires en 1903. Toutes les Caisses régionales sont visitées une fois au moins chaque année par les inspecteurs du service du contrôle ; ils ne critiquent ni les opérations ni la comptabilité, mais seulement cette tendance de certains administrateurs à abaisser le loyer de l’argent au-dessous du cours. Ne faut-il pas prévoir que les avances gratuites de l’État peuvent ne pas être continuées indéfiniment, qu’elles cesseront même en 1920 ? Les Caisses n’ont-elles pas pour mission de faire l’éducation de l’agriculteur, et, prêter à 1 pour 100, n’est-ce pas le tromper sur sa véritable situation et les conditions qu’il est en droit d’obtenir ? Que deviendraient les Caisses si, l’Etat opérant le retrait total ou partiel de ses avances, elles n’avaient pas pris la précaution de se constituer des réserves importantes ? Un certain nombre n’y songent point, et plus elles font d’affaires au-delà d’un certain chiffre, plus la masse de leurs bénéfices diminue ; les choses se passent autrement dans toute entreprise bien dirigée. Il y aurait un moyen très efficace de parer à un tel danger, et de constituer une seconde ligne de défense pour les Caisses de crédit agricole ; il consisterait à adopter le système admis dans d’autres pays, préconisé avec force par M. J. Rostand, à permettre en grand ce que la loi de 1895 a permis en petit. Aujourd’hui les sommes déposées aux Caisses d’épargne, plus de 4 milliards 200 millions, représentent des capitaux passifs, inertes, qui, convertis en fonds publics nationaux, détournés de l’agriculture, du commerce et de l’industrie, des travaux publics départementaux et municipaux, en un mot de toutes les sources de la richesse locale, produisent en somme l’élévation factice du cours de la rente, entraînent l’Etat à contracter trop facilement des emprunts successifs. Pourquoi les administrateurs des Caisses d’épargne ne pourraient-ils pas, sons certaines garanties, prêter les fonds de dépôt aux caisses régionales de crédit agricole ? Les croit-on moins intelligens que leurs collègues de l’étranger ? Le régime du libre emploi, tant discuté, n’a-t-il pas permis à nos voisins de grouper des capitaux considérables ? On a donné à l’épargne française des habitudes déplorables, en lui inspirant la terreur de toutes les entreprises capables d’alimenter le travail national. La petite épargne a la caution la plus solide qui existe, la caution de la France elle-même ; en échange d’une telle sécurité, la France a le droit de demander à la petite épargne que ses capitaux soient employés