Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/682

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Un cultivateur avait dans ses granges force pailles et fourrages dont il ne pouvait se défaire qu’à vil prix : pas de capitaux disponibles pour l’achat des bestiaux d’élevage ou d’engraissement. Mais la caisse de Chartres lui fournit les capitaux nécessaires, et, six mois plus tard, la plus-value du bétail lui procurait un bénéfice très supérieur à celui qu’aurait procuré la vente des denrées ; il lui restait encore le fumier produit par ses animaux, et il avait respecté cette règle de bon sens : Qui vend son grenier, vend sa terre.

Un fermier de la Mayenne, débiteur de 1 500 francs à échéance fixe, avait 500 boisseaux de froment à vendre ; le blé était à 3 francs, une hausse semblait certaine, mais comment attendre ? Un ami lui conseille de s’adresser à la caisse rurale ; il se laisse convaincre, on l’admet comme membre du syndicat des agriculteurs de la Mayenne et de la caisse locale de Château-Gontier : huit jours après, il recevait une avance, signait un billet au taux de 4,50 pour 100 par mois ; le blé ne tardait pas à atteindre le cours de 3 fr. 30 centimes ; notre homme vendit aussitôt ses 500 boisseaux, réalisa un gain de 150 francs, paya 17 francs pour l’intérêt de 1 500 francs pendant trois mois : bénéfice net, 133 francs.

Le crédit agricole sous la forme de prêts d’animaux (cheptel-bétail) est à l’ordre du jour dans les congrès et les écrits des spécialistes ; plus d’un syndicat l’a très heureusement résolu, et sur ce point comme sur d’autres, le législateur n’aura qu’à s’inspirer des mœurs et pratiques nouvelles. Dans l’Est, mainte caisse agricole achète elle-même des animaux qu’elle vend ensuite à crédit à ses membres, ou leur prête à 4 pour 100. A Langres, par exemple, le prêt a lieu sous la garantie d’un bail avec promesse de vente et billet à ordre représentant la valeur du bétail ainsi que les intérêts dus à l’échéance. Quelle différence entre cette opération et la retenue ou cheptel consenti par un capitaliste ! Soit une vache de 300 francs, donnant en trois ans, trois veaux estimés 450 francs ; le bailleur et le preneur se partageant ces 450 francs, touchent 225 francs chacun ; le preneur conserve la vache, mais il redoit 75 francs ; plus même, si la vache est (assurée. En s’adressant à une caisse de crédit, le preneur aura à payer : assurance 14 fr. 36, intérêts 36 francs, billets (timbres et droit) 4 fr. 35 ; cotisation du syndicat, trois ans à 50 centimes, 1 fr. 50 ; en bloc, 60 fr. 21 centimes ; mais tous les produits étant