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La caisse de crédit devient ainsi une école de comptabilité et d’économie, une école de morale, une école de solidarité ; elle donne au papier escompté la garantie de la solvabilité solidaire : revêtu de son aval, le papier circule, reçu aux meilleures conditions. Le paysan apprécie beaucoup l’avantage d’avoir à sa portée un établissement qui lui sert un intérêt, qui, depuis quelques années, reçoit mêmes des timbres-poste, et facilite l’épargne des plus petites sommes. Un certain nombre de ces caisses forment un syndicat général qui siège à Neuwied, et versent une partie de leurs fonds de réserve à une caisse centrale qui permet de parer aux éventualités. D’ailleurs, les pertes sont insignifiantes : les caisses Raiffeisen ont traversé sans crise les guerres de 1866, de 1870, et n’ont pas souffert de ce danger qui consiste à prêter à long terme des dépôts qu’on peut réclamer à bref délai. Partout elles mettent fin à l’usure, ce fléau des campagnes. Dans le local même de la banque, se forme souvent une espèce de casino, où l’on s’entretient des améliorations à réaliser, où l’on trouve des livres, des journaux agricoles. Les caisses Raiffeisen prospèrent ; à la fin de 1898 elles étaient au nombre de 8 575.

Voilà donc les caractères généraux des Darlehenskassen : point de parts sociales, gratuité de l’administration, indivisibilité du fonds social, longue durée du prêt, cadre restreint des opérations, absence d’esprit de spéculation, responsabilité illimitée entre sociétaires ; cette dernière garantie rassure les prêteurs les plus timorés, si bien que l’argent n’a jamais fait défaut aux caisses Raiffeisen, et qu’on a pu dire qu’elle est l’épine dorsale du système. D’ailleurs, grâce aux précautions prises, le danger est plus apparent que réel : M. Raiffeisen a dit fort sagement : « Le district dans lequel la caisse fonctionne doit être le plus petit possible. Il doit être assez petit pour que tous les membres du comité de direction puissent parfaitement connaître la situation morale et matérielle de tous les sociétaires. Il doit être assez grand pour que les affaires sociales soient assez nombreuses pour pouvoir couvrir les frais et former une réserve. » Détail pirruant : Raiffeisen eut pour principal adversaire le promoteur même du mouvement coopératif en Allemagne : brochures, articles de journaux, conférences, commissions d’enquêtes parlementaires, tout fut mis en œuvre dans cette lutte épique entre les deux réformateurs. Tant de fiel entre-t-il en l’âme des… philanthropes ? Les disciples de Schultze firent enfin