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mélodies médiocres, en a créé de sublimes. Est-il besoin de citer les plus beaux de ses chants : dans le duo des Hugenots, le fameux « Tu l’as dit, » enivré d’amour et d’épouvante ; ou la strophe de Vasco, saluant, dans l’extase aussi, des rivages nouveaux et radieux ?

L’orchestre de Meyerbeer sait chanter, agir, comme les voix. C’est lui qui, dès le début du Prophète, nous présente en quelque sorte Fidès. Il figure sa démarche un peu lasse, un peu lourde, sa babillarde et souriante bonhomie. Plus tard, sous les voûtes gothiques, à l’heure de la tragique rencontre du fils et de la mère, l’orchestre encore intervient et participe. Il s’étonne, il s’indigne, il finit par céder avec elle ; il ordonne, implore, et triomphe avec lui. Dans le célèbre unisson de l’Africaine, l’orchestre, toujours l’orchestre, sert de héraut funèbre à Selika venant chercher la mort. Prêt à bénir Valentine et Raoul, tandis que Marcel un moment se recueille, un instrument, un seul (clarinette basse) expose en quelque sorte le sujet de la nuptiale et sombre homélie ; il en prononce l’exorde et, triste, pieux et fidèle, ensuite il y répond.

On sait quelle a toujours été, dans l’opéra français, la valeur du récitatif. Guillaume Tell et les quatre partitions de Meyerbeer en offrent à tout moment des exemples et des chefs-d’œuvre. Nous avons cité plus haut les sublimes divagations d’Arnold. Plus retenu, moins libre et, comme on dit, « obligé, » mêlé d’orchestre, en un mot moins italien, le récitatif de Meyerbeer se compose et s’organise davantage. En outre il se fond mieux avec les autres élémens du style dramatique et musical. Entre les « endroits forts, » selon l’expression du Président de Brosses, la musique de Meyerbeer ne faiblit ni ne se dérobe. Elle excelle au contraire dans les transitions. Là, quelques mesures de récit, mais d’un récit accompagné, commenté ; les accens de la voix, le discours soutenu par quelques accords, quelques mouvemens de l’orchestre, tout cela donne aux moindres scènes qui séparent les « morceaux, » ou plutôt qui les unissent et les soudent ensemble, un caractère, une vie égale et parfois supérieure à celle dont les « morceaux » mêmes sont animés.

Il n’est pas jusqu’à la symphonie et au leitmotiv, — cette application particulière de la symphonie au drame en musique, — qui ne joue dans l’opéra de Meyerbeer un rôle encore élémentaire, mais déjà cependant un rôle. Dans l’introduction des