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italiens. On sait comment il y réussit et quel fut, à l’Opéra, le 9 octobre 1826 et le 26 mars 1827, le succès du Siège de Corinthe (l’ancien Maometto Secondo) et de Mosé devenu Moïse.

C’est ici l’une des communications les plus heureuses, l’un des plus glorieux échanges qui jamais se soient opérés entre la musique italienne et la nôtre. Il commence avec le Siège de Corinthe et Moïse ; Guillaume Tell bientôt le consommera.

Tous les élémens étaient préparés. Auber eut l’esprit et le talent de les réunir. La Muette de Portici (1828) sembla réaliser du premier coup la forme ou le type accompli du genre nouveau. Mais justement parce qu’Auber ne possédait guère autre chose que du talent et de l’esprit, elle n’en fut en réalité que la formule extérieure, l’armature ou le cadre encore vide. C’est à Guillaume Tell (1829), puis aux ouvrages de Meyerbeer et parfois même d’Halévy, qu’il était réservé de le remplir.


II

Ils le remplirent avec magnificence. « L’ébauche d’un grand spectacle, » a-t-on dit, au XVIIe siècle, de l’opéra français. Il en a, dès l’origine, été beaucoup plus que l’ébauche et c’est l’un des caractères du genre, de n’avoir jamais rien épargné pour le plaisir des yeux. Faut-il rappeler jusqu’où se porta, s’égara même, au XVIIe et au XVIIIe siècle, le luxe « de la décoration, l’ingéniosité des machines, » l’élégance et l’agrément des « entrées, » des divertissemens et des ballets ! De tous les opéras de Quinault et Lully, Phaéton paraît avoir été le plus admiré, sinon le plus admirable, et le plus populaire. Il se joua pendant huit mois de suite. Or, si nous en croyons un historien digne de foi, l’on y entendait peu de chose. Mais que n’y voyait-on pas ! C’est Protée qui sort de la mer, « conduisant les troupeaux de Neptune et accompagné d’une troupe de dieux marins, dont une partie fait un concert d’instrumens et l’autre partie danse. » Plus loin, « il se transforme en lion, en arbre, en fontaine, en monstre marin et en flamme., » Les portes du temple d’Isis s’ouvrent et « ce lieu, qui avait paru magnifique, n’est ; plus qu’un gouffre effroyable qui vomit des flammes et d’où sortent des furies et des fantômes terribles, qui menacent et effraient rassemblée. Enfin Phaéton, assis sur le char du Soleil, s’élève sur l’horizon. La