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Pour aller d’Alceste ou des deux Iphigénies, voire de Joseph, à la Muette de Portici et à Guillaume Tell, il faut passer par la Vestale, par Fernand Cortez et par Olympie. Aussi bien c’est une assez belle route, et, çà et là, presque royale. Tandis que la Vestale et Olympie représentent en quelque sorte l’adieu de la musique de théâtre à l’antiquité, si longtemps sujet ou matière de ses chefs-d’œuvre, Cortez marque l’apparition du goût historique et pittoresque dans le drame musical. Le scénario de la pièce est déjà taillé sur le patron des futurs opéras. Déjà le « poète ». de Cortez, qui sera dans quelque vingt ans un de ceux de Guillaume Tell, l’académicien de Jouy, s’exprime dans le langage du répertoire prochain. Oyez plutôt ce quatrain, que chantent en marchant à l’assaut, sur un air de pas redoublé, les régimens espagnols :


Pour enflammer notre audace guerrière,
C’est Mexico qui s’offre à nos regards.
Sur ces rochers, impuissante barrière,
Portons l’airain qui brise les remparts.


Enfin la musique elle-même évolue vers le style d’opéra. Elle cherche, en un sujet hispano-mexicain, à se donner des allures, des couleurs exotiques (voyez l’étonnant défilé des « Indiens Tlascaltètes, auxiliaires des Espagnols »). Si tel chœur de meurtriers rappelle encore le chœur ; des Scythes d’Iphigénie en Tauride, le Rossini du second acte de Guillaume Tell et le Meyerbeer du troisième acte du Prophète s’annoncent, pour ainsi dire, et, de loin, se laissent entrevoir dans la belle scène des soldats révoltés.

Après le demi-succès d’Olympie, que ne put sauver la magnificence du spectacle, Spontini quitta Paris pour Berlin, où le roi de Prusse l’appelait à la direction générale de sa musique. Rossini parut alors en France. Nommé directeur du Théâtre-Italien de Paris, il le resta peu d’années. « Inspecteur du chant, » il ne sut jamais au juste quelle était la nature de ses fonctions. « Il savait mieux à quoi l’engageait son autre titre de compositeur du Roi[1]. » Afin de s’en rendre digne, et sentant la nécessité d’adapter, sans l’y sacrifier, son génie musical au goût dramatique du pays dont il devenait l’hôte, il résolut de retoucher, d’amplifier pour nous, à la française, deux de ses ouvrages

  1. Rossini, par M. Lionel Dauriac dans la collection des Musiciens célèbres Paris, Henri Laurens.