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mesure de payer le droit d’entrée et la cotisation, soit parce qu’on le trouve peu capable, ou simplement parce que l’Union des ouvriers de sa profession considère le nombre des membres déjà inscrits comme suffisant, n’est pas admis dans cette Union. Alors il n’y a point de travail pour lui ; ni au salaire minimum fixé par la Cour, parce que les Unionists ont pris, par droit de préférence les places vacantes ; ni à un salaire inférieur, parce que le Common rule ne permet à aucun patron d’employer cet ouvrier à un salaire inférieur.

Dans la Nouvelle-Galles du Sud, où la proportion des Unionists au nombre total des travailleurs manuels est plus forte que dans les autres États et qu’en Nouvelle-Zélande, elle n’est cependant que d’un tiers, et croît lentement. La loi d’arbitrage a donc eu pour effet, — par la clause de préférence, — de créer une aristocratie du travail. Il est superflu d’ajouter que cette aristocratie possède la direction du pouvoir politique du labour party.

Si précieux que soit le résultat obtenu par la suppression des grèves, on l’aurait donc payé cher. Il reste à dire si on l’a obtenu.

On n’a constaté dans la Nouvelle-Galles du Sud que fort peu de grèves depuis la mise en vigueur de l’Industrial arbitration Act, et la Cour d’arbitrage a rendu des sentences dans un grand nombre de cas qui auraient pu donner naissance à des grèves. Il n’est donc pas contestable que la loi, à ce point de vue, ait été utile. Ce qui est contestable, c’est la mesure de cette utilité. Combien, parmi des conflits réglés par la Cour, eussent entraîné une grève si la Cour n’avait pas existé ? Combien eussent été terminés par un accord entre les parties ? Les solutions données par la Cour ont-elles été plus pratiques ou plus judicieuses que celles qui auraient résulté de ces règlemens à l’amiable ? Personne ne peut répondre à ces questions. On peut seulement dire avec certitude, en empruntant les paroles de sir Frederick Darley, Chief Justice de la Nouvelle-Galles du Sud : « l’Industrial arbitration Act a produit une quantité considérable et vraiment alarmante de procès, qui ont eux-mêmes causé un sentiment d’antagonisme et de mauvais vouloir entre les industriels et les ouvriers et les ont partagés en deux camps ennemis[1]. »

Nous ne connaissons qu’un cas où la Cour d’arbitrage ait

  1. Audience de la Cour suprême de la Nouvelle-Galles du Sud, 25 mai 1904.