Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/612

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

On ne saurait les en blâmer, car les expériences faites en Nouvelle-Zélande, en Victoria, dans l’Australie méridionale, et même dans la Nouvelle-Galles du Sud, en avaient démontré l’inutilité. Mais ils avaient commis une erreur en ne limitant pas la juridiction de la Cour d’arbitrage. Ils n’avaient pas prévu que les présidens, secrétaires, et les membres les plus actifs des Unions d’ouvriers, rivaliseraient de zèle et, trop empressés à faire valoir l’utilité de leurs services, déféreraient à la Cour une quantité de petites disputes qui auraient été arrangées à l’amiable, — peut-être mieux, — si on n’avait pas eu d’autre moyen de les terminer.

On s’était trompé également sur l’effet que devait produire dans l’esprit des ouvriers l’institution d’un tribunal aisément accessible, tout-puissant, et dont la bienveillance, avec une ombre de partialité, leur serait sans doute acquise, puisqu’il avait été créé à l’instigation des représentans de leur classe. La tentation d’y avoir recours, même pour d’insignifians motifs, ne pouvait manquer d’être assez vive, et l’instrument de pacification risquait de se transformer en menace permanente et ferment d’hostilité contre les patrons.

Enfin, les promoteurs de la loi n’avaient pas vu, — ou n’avaient pas voulu voir, — qu’une arrière-pensée toute politique se dissimulait sous le prétexte d’améliorer les relations entre le capital et le travail ; et que le but, quoique non avoué du labour party, était, en enlevant à l’industrie la possibilité de réaliser les bénéfices nécessaires à son expansion, de préparer et de faciliter l’accaparement progressif des diverses branches d’industrie par l’État.

Une des dispositions de la loi d’arbitrage dont les conséquences ont été les plus fâcheuses, est celle qui est connue sous le nom de Preference to Unionists. Elle autorise la Cour à décider que, dans une industrie déterminée, les patrons devront, lors de l’embauchage, donner la préférence aux ouvriers membres des Unions sur les autres ouvriers, et à définir dans quels cas un patron serait autorisé à donner du travail à un ouvrier ne faisant pas partie d’une Union. Il y a là une atteinte presque brutale à la liberté individuelle et à la liberté du travail. Mais cette clause, conséquente d’ailleurs avec le principe initial de la loi, a un défaut plus grave, celui d’être inhumaine. Un ouvrier, — et cela ne s’est vu que trop souvent), — soit parce qu’il n’est pas en