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la première est celle-ci : lorsque la Cour d’arbitrage aura fixé le salaire des ouvriers de telle catégorie, employés dans telle usine, quel sera le salaire des ouvriers de la même catégorie dans une autre usine de la même industrie ? S’il est inférieur à celui que la Cour a fixé, les ouvriers de la seconde usine, auxquels on continuera à payer ce salaire inférieur, en demanderont le relèvement ; dans le cas contraire, ce seront les patrons qui s’adresseront à la Cour, afin de bénéficier de la première sentence ; et successivement, il en sera de même pour toutes les usines appartenant à cette industrie.

La loi a prévu cette difficulté. Elle autorise la Cour à rendre applicable, sur tout le territoire de l’Etat ou sur une partie de ce territoire, les sentences qu’elle prononce intéressant une industrie déterminée. Cela s’appelle le Common rule. Le remède est pire que le mal. Le Common rule supprime la nécessité de rendre un grand nombre de sentences se rapportant à des cas à peu près semblables, mais il fausse l’esprit de la loi, dont le seul objet était de régler des conflits. L’application du Common rule tend à unifier rigoureusement les conditions du travail, alors que celles-ci, selon les localités, les fluctuations du marché, le degré de prospérité des entreprises, réclament, au contraire, un minimum d’élasticité. Par le Common rule, la Cour d’arbitrage a été amenée à sortir de son rôle pour devenir le régulateur de toutes les industries du pays. Substituant dès lors son autorité à celle des chefs des établissemens industriels, glissant à la réglementation des détails techniques, elle s’est bientôt trouvée en présence d’une responsabilité trop lourde. Dans le plus grand nombre des cas, les voix des assesseurs, représentant des intérêts opposés, s’annulaient réciproquement. Cette responsabilité s’est donc concentrée sur le président ; et celui-ci, malgré ses capacités professionnelles et l’assistance des experts, n’a pas tardé à s’apercevoir de l’extrême difficulté de sa tâche. Il était en même temps débordé par la croissante accumulation des affaires[1].

Les auteurs de l’Industrial arbitration Act, en effet, n’avaient pas institué de préliminaires de conciliation.

  1. Un relevé officiel, de septembre 1905, constate qu’à cette date 73 instances attendaient leur tour au greffe de la Cour d’arbitrage de Sydney. Dans ce nombre n’étaient/pas comprises les affaires en recouvrement d’amendes prononcées pour non-exécution des sentences arbitrales.