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ont invoqué pour sa défense la nécessité de maintenir en Australie la pureté de la race. L’excuse n’est pas sans valeur, en ce sens qu’elle eût pu justifier certaines précautions de police. Elle est insuffisante à rendre acceptable l’application stricte et absolue de la devise White Australia. En admettant que la préservation de la pureté de la race soit, pour la population australienne, un idéal auquel on ne saurait faire trop de sacrifices, on est surpris de trouver à l’origine du mouvement, insistant sans relâche en faveur de la plus grande sévérité, la fraction la moins idéaliste et la moins attachée aux intérêts généraux du pays. On se demande alors si une formule de noble apparence ne couvrirait pas des mobiles d’un intérêt immédiat ; car, enfin, cette « pureté » ne devait pas être exposée à de fortes tentations. Les unions entre les gens des races anglo-saxonne et mongole, indoue ou mandchoue, ont toujours été fort rares. L’affinité mutuelle leur manque.

Il s’agirait donc plutôt de la crainte d’un envahissement pacifique et progressif, que pourrait suivre une attaque à main armée favorisée par l’existence, sur le sol australien, d’une population asiatique. Acceptons l’hypothèse, ou toute autre aussi vraisemblable. De deux choses l’une : ou la force d’expansion des peuples d’Extrême-Orient est assez grande pour mettre l’Australie en danger, — à supposer qu’elle excite violemment leur convoitise ; — alors, ce danger ne pouvant que croître, ce ne sont pas les subtilités, déjà un peu chinoises, de l’Immigration restriction Act qui le pourront prévenir ni même retarder. Ou bien, ce qui est plus probable, l’Australie, consolidant sa vie nationale, développant ses ressources, accroissant sa population, organisant se défense, n’aura rien à craindre des Jaunes. En ce cas, à quoi bon ces précautions offensantes, et pourquoi ne pas leur laisser, au contraire, le soin des travaux pénibles, peu rémunérés, si déplaisans à l’Européen, surtout à l’Anglais, et que les Asiatiques, depuis tant de générations, accomplissent volontiers ? Une bonne police et quelques règlemens pratiques suffiraient pour que la nation recueille de leur présence des avantages sérieux sans avoir à en redouter les inconvéniens.

L’Immigration restriction Act contient la réponse à cette dernière question. Il donne à l’administration locale le pouvoir d’interdire l’accès de l’Australie à tout travailleur manuel, — et ceci s’adresse aux hommes de race blanche :