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toujours été protectionnistes. Puisqu’il était nécessaire de refondre ces systèmes en un tarif commun, le bon sens semblait indiquer un procédé rationnel. C’eût été de prendre pour chaque article la moyenne des tarifs des États, en la modifiant proportionnellement au mouvement d’importation, dans chaque État, de l’article considéré. Ainsi, les relations commerciales déjà établies n’eussent éprouvé qu’un minimum de perturbation.

En somme, la tâche du nouveau gouvernement était plus complexe que difficile. Elle devait s’accomplir d’autant mieux qu’on y introduirait moins de politique, et c’était le cas de se souvenir du vieux proverbe anglais : One does not change the horses while crossing a stream.

Cette manière de voir était trop simple, surtout trop modeste, pour être adoptée. Les incidens de la campagne électorale de mars 1901 n’avaient laissé aucun doute sur l’état d’esprit des futurs parlementaires fédéraux. Chacun se croyait chargé de créer une nation (to build a nation) et chacun entendait la créer selon ses vues. Les protectionnistes, certains d’être en majorité, avaient annoncé leur intention d’écraser leurs adversaires, désignés sous le vocable bizarre mais explicite de revenue tariffists. Dès l’ouverture du Parlement, de profondes divisions sur d’autres points s’étaient révélées entre les nouveaux élus. Le labour party, fidèle à sa tactique, fit savoir qu’il laissait à ses représentans toute liberté quant aux questions d’intérêt fiscal ou national, et que, désireux de conserver la balance du pouvoir entre les partis, il réservait son action pour renverser tout gouvernement qui refuserait d’obéir à « la volonté du peuple. » Cette déclaration n’eut pas la vertu de faire réfléchir les autres députés, qui cependant représentaient un peu aussi « la volonté du peuple, » et la première législature fut inaugurée sous ces peu rassurans auspices.

Le gouvernement n’apporta point de programme, — au sens usuel de ce mot, — mais une très longue liste des projets dont il avait l’intention de saisir le Parlement. Nous n’en détacherons que ceux auxquels s’intéressait le labour party. Ce furent d’ailleurs les seuls, — avec le tarif douanier, — qui firent l’objet de débats suivis. Notons incidemment que ce tarif ne fut présenté au Parlement qu’en octobre 1901 et ne fut voté qu’en septembre 1902. La plus urgente des mesures nécessitées par l’accomplissement de la Fédération avait demandé six mois de