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Douée d’abondantes richesses exploitables, elle jouit, en outre, d’un climat dont la douceur invite les habitans aux distractions de la vie en plein air[1]. Tout, dans cet heureux pays, concourt donc à répandre le goût du superflu et favorise le penchant à la récréation. Il n’est pas surprenant que la notion du travail nécessaire et de sa haute portée moralisatrice s’y soit affaiblie[2]. La conception du rôle de l’État devait s’y transformer en même temps, jusqu’à ce qu’on ne vît plus en lui l’organisme destiné à assurer la liberté et la sécurité des citoyens, mais une divinité complaisante de laquelle on peut tout attendre, à laquelle, par conséquent, on peut tout demander.

Ainsi s’est préparé un terrain éminemment propre au développement du socialisme, tel qu’il est compris aux antipodes, patient, persévérant, mais rebelle à toute direction supérieure, se désintéressant des théories générales, insoucieux des conséquences éloignées.

L’activité du mouvement socialiste en Australie, l’esprit qui l’anime et la direction qu’il suit, ne dérivent pas seulement de la situation géographique du pays et de la protection de la Grande-Bretagne. Ils résultent aussi du développement historique des rapports entre le travail et le capital pendant les années qui ont succédé à la première période de sa colonisation. La mise en valeur du sol australien était alors largement rémunératrice. Partout s’exécutaient de grands travaux. De 1851 à 1861, la population de Melbourne passait de 23 000 à 140 000 habitans. Les ouvriers, et surtout les ouvriers capables, étaient rares. Un bon maçon gagnait de 30 à 35 francs par jour. Sans remonter aussi loin, nous voyons la population d’Adélaïde plus que doubler de 1871 à 1881, et de 1881 à 1891, celle de Sydney augmenter de plus de 100 000 personnes. Jusqu’en 1892, les colonies australiennes jouissaient d’un crédit illimité sur le marché de Londres, et toutes en usaient très largement.

Il fallait bien cependant qu’un certain équilibre s’établît un jour entre les dépenses normales et les ressources normales.

  1. Voyez la Revue du 1er septembre : la Société australienne.
  2. Les Unions australiennes ont montré autant, sinon plus, de persévérance, pour obtenir la limitation de la journée de travail et l’accroissement du nombre des jours fériés que pour s’assurer des augmentations de salaires. (Rapport du Consul général de France en Australie. Office national du Commerce extérieur, 1905, no 445.)