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Par une contradiction peut-être seulement apparente, mais qu’il négligea d’éclaircir, il déclarait en même temps que les socialistes australiens n’avaient pas l’intention de confisquer les propriétés territoriales.

Cependant, l’expression Collective Commonwealth avait paru imprudente, tout au moins prématurée. Les complaisances du ministère (second ministère Deakin) qui avait succédé à celui de M. Reid (août 1904-juillel 1905) n’allaient pas jusqu’à accepter cette étiquette. Le labour party la remplaça par un euphémisme heureusement choisi, « la nationalisation des monopoles. » Comme il n’existe en Australie d’autres monopoles que ceux des services publics qui, — y compris les chemins de fer, — sont aux mains de l’État, personne ne pouvait s’y tromper. On appellerait monopole toute industrie ou exploitation privée dont l’État manifesterait le désir de s’emparer. Le gouvernement se déclara satisfait. Depuis cette époque, la « nationalisation des monopoles » apparaît de temps en temps dans les déclarations du gouvernement fédéral. On commencerait par le monopole des tabacs ; on laisse entrevoir qu’on pourrait continuer par celui des spiritueux, après lequel peut-être viendrait celui des mines, et ainsi de suite. Toutefois, ces projets ne sont pas encore entrés dans la phase d’exécution.

Le degré de développement des idées socialistes en Australie étant sommairement précisé, examinons sous quelles formes, dans quelles directions et avec quels succès (pour le parti sinon pour le pays) elles se sont manifestées.


II

Le régime, parlementaire établi sur la base d’un suffrage à peu près universel impose à tout gouvernement le devoir de concilier les exigences de la masse populaire avec les intérêts généraux du pays. Cette conciliation n’est jamais aisée. Cependant, le maintien de certaines traditions, le souvenir d’expériences malheureuses, la crainte de complications extérieures, ou l’existence d’une élite national assez nombreuse, possédant une haute culture intellectuelle, et capable d’exercer une influence politique, peuvent la rendre moins difficile.

L’Australie est encore privée de ces élémens de pondération, et reste livrée à des aspirations en quelque sorte impulsives.