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son concurrent, M. G. H. Reid[1]. D’autre part, ce gouvernement avait devant lui un parlement divisé sur toutes les questions intéressant l’avenir du pays. Les perspectives du labour party étaient donc fort encourageantes, à la condition qu’il gardât une parfaite discipline ; il sut la garder.

Aux premières élections fédérales, son influence dans le Parlement s’appuyait sur la possession du cinquième environ des sièges. La balance du pouvoir lui était assurée, pourvu qu’il en usât avec modération. Le ministère lui marqua, dès le début de la législature, des égards qui rendirent les accommodemens faciles. Aux élections suivantes, en 1903, le labour party avait conquis le tiers des sièges dans chaque Chambre. Il cessait d’être un allié pour devenir un protecteur. Dès lors, le cours naturel des événemens devait l’amener à prendre le pouvoir, ce qui arriva en avril 1904, et son incapacité à gouverner devait l’en faire tomber peu de temps après, ce qui eut lieu au mois d’août de la même année. Pendant cette période de trois ans, le labour party avait, selon les occasions, indiqué son programme, mais toujours et seulement celui du lendemain. Le caractère socialiste des mesures qu’il recommandait, que, — pour le plus grand nombre, — le gouvernement consentait à prendre à son compte, et que votait le Parlement, après de molles résistances, n’était plus contestable. Elles avaient toutes pour objet l’intervention de l’Etat dans les affaires des citoyens et rentraient dans la catégorie que les Anglais appellent class legislation ; enfin, elles étaient toutes antilibérales. Leur objectif immédiat parut être l’isolement de l’Australie. Ainsi, au moment où cette nation, déjà protégée commercialement par les mers qui la séparent des grands continens, et politiquement par les flottes de l’Angleterre, venait de s’organiser pour prendre place dans le concert des autres peuples, à l’instant même où l’attention du monde se fixait sur elle, son premier acte était de s’enfermer, immobile et boudeuse. La majorité du pays a toléré, sanctionné par sa tolérance même, une politique dirigée dans un sens diamétralement opposé à ses intérêts[2]. Sous l’inspiration des socialistes, et en dépit des

  1. La procédure, suivie de 1895 à 1899, pour arriver à une entente des six colonies australiennes, en vue de l’accomplissement de la Fédération, est entièrement l’œuvre de M. Reid, premier ministre de la Nouvelle-Galles du Sud pendant ces cinq années.
  2. Aux élections fédérales de 1903, moins de la moitié des électeurs ont fait usage de leurs droits électoraux. Exactement : 46,86 pour 100.