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dissimulé la force, il me semble plus prudent de ne pas faire entrer Catulle et Virgile, Tite-Live et Pline, dans une histoire de la littérature gallo-romaine. La nature de leur talent est trop complexe, et ce serait vraiment la mutiler que de l’examiner à ce seul point de vue, quelque légitime qu’il pût être. Puis, sur le sol où ils sont nés, les peuples ont été trop nombreux, trop vite et trop intimement fondus ensemble, pour que l’influence de race puisse se laisser définir. Surtout, cette influence n’a pas été corroborée, en ce qui les concerne, par l’action du milieu local : nés en pays gaulois, c’est à Rome qu’ils ont vécu, c’est pour Rome qu’ils ont écrit, au même titre que leurs contemporains d’origine italienne. Leur extraction est bien pour quelque chose dans la genèse de leurs œuvres, et c’est parce qu’on l’oublie trop que j’ai signalé certaines affinités entre leur esprit et le nôtre : mais ces affinités ne sont pas suffisantes pour qu’on puisse les isoler au sein de la littérature latine classique. Ce sont des Romains d’origine gauloise, et non des Gallo-Romains.

Pour des raisons analogues, il n’y a pas à insister sur les premiers écrivains issus de la Gaule transalpine, les poètes Valerius Cato, Varron de l’Atax, Cornélius Gallus, les orateurs Votienus Montanus, Domitius Afer, Marcus Aper et Julius Secundus. D’abord ils nous sont fort mal connus, presque exclusivement par de rares fragmens ou par des témoignages accidentels, si bien que toute affirmation sur leur compte reste forcément hypothétique. Sans doute, on croit apercevoir que les rhéteurs gaulois du Ier siècle n’ont pas partagé le goût de leurs voisins d’Espagne pour la grandiloquence boursouflée : Votienus blâmait les traits exagérés ou raffinés de ses confrères, et Domitius Afer, très moderne par son « arrivisme » dénué de scrupules, était en littérature très classique et très attaché à l’imitation cicéronienne. Mais ces indications ne peuvent que demeurer fort vagues avec le peu de renseignemens dont nous disposons. En aurions-nous davantage, d’ailleurs, que la même question se poserait toujours : jusqu’à quel point ces auteurs appartiennent ils à la Gaule ? en sont-ils même les fils ? ou ne sont-ce pas plutôt des descendans de colons romains établis à Narbonne, à Nîmes ou à Fréjus ? En tout cas, n’ont-ils pas de très bonne heure déserté le pays natal pour venir chercher à Rome la fortune ou la gloire littéraire ? un Cornélius Gallus, ami de Virgile et gouverneur de l’Egypte, un Domitius Afer, accusateur aux