Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/559

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gaulois sont plus dociles aux règles reçues, plus fidèles aux habitudes invétérées, plus respectueux des modèles consacrés. Les Panégyriques, ces morceaux d’apparat que l’on a rassemblés comme les échantillons les plus brillans de l’éloquence gauloise, rappellent à chaque page le Panégyrique de Trajan par Pline, qui lui-même, pour créer ce genre, s’était inspiré de certains discours de Cicéron, pour la loi Manilia ou sur les provinces consulaires : c’est de l’imitation à la troisième puissance. Le même Cicéron, par l’intermédiaire de Pline encore, est le maître des épistoliers gallo-latins, d’Ausone, de Paulin de Nole, de Sidoine Apollinaire. Dans leurs vers, ces auteurs sont naturellement remplis de réminiscences de Virgile, d’Horace, des élégiaques. Pour écrire l’histoire, Sulpice Sévère se met à l’école de Salluste, dont il essaie de reproduire l’élégante et fine concision. Bref, tous ces écrivains s’occupent le plus souvent à un démarquage consciencieux et patient des maîtres classiques.

Mais ce n’est pas à dire qu’ils soient pour cela indignes d’être étudiés. Si l’on n’est jamais aussi révolutionnaire qu’on le croit, on n’est pas non plus aussi conservateur qu’on le désire : on reste de son temps, même quand on a les yeux fixés sur le passé. Qu’il s’agisse de littérature comme de politique ou de morale, deux générations peuvent bien avoir le même idéal : la traduction approximative qu’en donnera chacune différera si les circonstances diffèrent. Or ici elles se sont profondément modifiées. Quelle distance du siècle de Constantin et de Théodose à l’époque de César, d’Auguste, ou même des Antonins ! Au lieu d’un gouvernement à forme républicaine, comme l’était celui d’Auguste ou de Trajan, une monarchie absolue, de style oriental, appuyée sur une bureaucratie savamment hiérarchisée ; au lieu de la puissance et de la prospérité matérielle, l’incessante menace des Barbares, les troubles intérieurs, l’épuisement économique ; au lieu de croyances routinières et de vagues spéculations philosophiques, une religion nouvelle, passionnément discutée, avec ce qu’elle soulève de problèmes et de conflits jusqu’alors inconnus : tout cela peut-il ne pas se relié ter dans les œuvres les plus classiques d’intention ? Les Panégyristes mettent leur gloire à décalquer les belles périodes cicéroniennes : mais les faits historiques, les préoccupations politiques du moment, se chargeront de jeter dans leurs harangues quelque chose de neuf. Et dans ses vers, coulés dans le moule virgilien ou horatien, l’évêque de Nole