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XIXe siècle, le catholicisme était mieux prédestiné que l’anglicanisme à jouer un rôle social.

La renaissance catholique, en effet, coïncidait avec l’émancipation politique des catholiques : par une série démesures très franches et très décisives, l’Etat anglais, aux alentours de 1830, supprima toutes les vexations et leva tous les ostracismes dont ils étaient jusque-là les victimes ; le fameux bill de 1850, frappant d’une amende de 100 livres toute personne qui accepterait, dans le Royaume-Uni, les litres épiscopaux créés à nouveau par Pie IX, ne fut jamais appliqué ; et l’Église romaine se développa, sous le gouvernement de la Reine, avec une sécurité et un éclat que tous les autres pays pouvaient envier. L’État anglais, en tant qu’Etat, fut constamment fidèle, dans les deux derniers tiers du XIXe siècle, aux maximes de liberté religieuse, et le catholicisme en bénéficia brillamment.

Mais inversement, à la même époque, l’Église anglicane, en tant qu’Église, se rangeait de plus en plus étroitement sous la tutelle des bureaucrates officiels ; et ces bureaucrates et ces magistrats pesaient sur elle, d’un poids lourd et déprimant, parce qu’ainsi l’exigeait sa propre constitution ecclésiastique. Il était désormais dans l’essence de l’État anglais de laisser les Eglises libres ; mais il était, de tout temps, dans l’essence de l’Église anglicane d’être une institution de l’État, un département de l’État. C’est parce qu’anglicans, c’est parce que sujets de ce département, que les prêtres ritualistes encouraient de sérieux et perpétuels ennuis : les mêmes pratiques sacramentelles qui les exposaient à des pénalités d’Etat, tant qu’ils demeuraient dans l’Eglise anglicane, devenaient inoffensives, indemnes, et jouissaient de la tolérance commune, du jour où ils quittaient cette Eglise. L’Etat anglais ne jouait au théologien et au liturgiste qu’en tant qu’il s’agissait de l’Eglise anglicane, à laquelle il offrait un cadre nécessaire ; hors de cette Eglise, les âmes anglaises étaient libres. « Nous n’apercevons dans l’Église anglicane, écrivait Newman, qu’une fonction ou une opération de l’État, — sans une substance, — une pure agrégation de fonctionnaires dépendans du pouvoir civil souverain et vivant en lui. Elle n’est responsable de rien ; elle ne peut mériter ni blâme, ni éloge ; mais les sentimens qu’elle excite, quels qu’ils soient, doivent être reportés sur le pouvoir suprême qu’elle représente et dont la volonté est comme sa respiration. « Ainsi, la vie de l’Église