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demeuraient vivaces ; de par la volonté de Rome, — et Rome, en l’espèce, savait ce qu’elle faisait, — les derniers devenaient les premiers, et les premiers les derniers ; et puisque la renaissance catholique anglaise avait pour effet immédiat de rendre plus étroits et plus robustes les liens de l’Angleterre avec Rome, il était naturel que l’Eglise romaine recrutât parmi les agens de cette renaissance ses dignitaires les plus respectés.

De telles nouveautés survenaient dans un pays où longtemps certaines familles pieuses avaient dit en leur prière : « Déjoue, Seigneur, les machinations du papisme, soit au dedans, soit au dehors de l’Eglise. Que toutes les inventions de l’évêque de Rome contre la vérité sacrée soient confondues. Seigneur ! puisse le papisme subir bientôt sa défaite finale, et puisse Babylone, depuis longtemps condamnée, cesser d’opprimer la terre ! » Non moins expressive, d’ailleurs, en sa forte brièveté, était l’inaltérable devise nationale : « No popery ! Point de papisme ! » Aussi les progrès de Rome, de temps à autre, se heurtaient-ils à des colères : c’était, en 1850, lord John Russell dénonçant comme une « agression papale » le l’établissement par Pie IX de la hiérarchie épiscopale ; c’était Gladstone, en 1874, déchaînant son éloquence contre les audaces du « vaticanisme. » Mais le catholicisme « papiste » passait outre ; il affectait, d’autant plus, de se mêler à la vie intellectuelle et sociale de la nation anglaise. Wiseman multipliait les conférences sur des sujets étrangers aux choses religieuses : art, science, économie sociale, hygiène, philosophie ; il voulait, par là, « montrer aux protestans que les catholiques pouvaient, aussi bien qu’eux, donner au public un régal intellectuel. » En quoi Wiseman avait raison : « Les conférences de Votre Eminence, lui écrivait un notable catholique, M. de Lisle, font plus que toutes les controverses du monde, pour gagner le cœur de la vieille Angleterre. » De même, il n’y avait à proprement parler rien d’humain à quoi Manning, successeur de Wiseman, consentît à rester étranger : rien ne lui était plus à cœur que de sortir de la sacristie, et de promener sa pourpre cardinalice partout où des idées se discutaient et partout où des réformes se concertaient, dans les réunions de la Société métaphysique comme dans les meetings de l’anti-alcoolisme. « Toute la vie civile et politique de l’Angleterre, écrivait-il en 1890, nous est ouverte à nous catholiques, si seulement nous savons comment y entrer et comment nous y conduire. » Et de