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elles, sur les lèvres d’un Newman ou d’un Ward, d’un Manning ou d’un Faber, les mots libérateurs qui les affranchissaient de tout respect humain et qui les invitaient à ne rien estomper de leur personnalité religieuse, fille et sujette de l’Eglise romaine.

Au début du mouvement d’Oxford, on entrevoyait l’effort âpre et personnel de consciences indépendantes, en révolte contre l’embrigadement de l’Eglise anglicane, en marche vers un christianisme plus actif, plus intense, plus fécond en mystérieux effluves ; et, dans l’allure de ces consciences, dans la fierté même avec laquelle l’une d’entre elles, celle de Newman, croyait parfois « ne voir ici-bas que deux êtres, Dieu et elle-même, » et dans l’enthousiaste indépendance avec laquelle elles ressaisissaient la tradition comme on prend possession d’une force conquise, on retrouvait, encore, fortement accusés, les traits les plus essentiels de l’individualisme protestant. Les conversions se multipliaient, par lesquelles cet individualisme achevait de s’affirmer en commençant volontairement d’abdiquer ; les propres méthodes de la Réforme avaient raison de la Réforme, et tout de suite, dès le lendemain, ces évolutions étranges avaient ce premier résultat de développer, en Angleterre, certaines maximes et certaines pratiques d’attachement public au Saint-Siège, et de faire succéder, à l’époque où les catholiques d’Angleterre n’étaient romains qu’avec quelque gêne, une autre époque, toute différente, où sous la direction d’un Manning, ils seraient romains avec orgueil. Ouvriers de la onzième heure, les hommes que l’Eglise romaine enlevait à l’anglicanisme étaient tout de suite, quoi qu’il en coûtât aux susceptibilités des catholiques anglais, distingués et honorés par l’autorité du Saint-Siège : la terrible lutte d’influence entre Errington, le catholique de vieille roche, et Manning, le converti de la veille, aboutissait à la victoire du second. « Si les théologiens d’Oxford entraient dans l’Eglise, avait écrit Wiseman en 1841, avant même qu’aucune conversion ne fût déclarée, nous devrions être prêts, nous catholiques de jadis, à retomber dans l’ombre et à passer au second plan. » Le pronostic était perspicace, non moins que désintéressé ; Pie IX le justifiait, vingt et un ans après, en faisant de Manning le successeur de Wiseman sur le siège de Westminster. Rome, ce jour-là, passait outre aux propositions du chapitre, où les préventions contre les convertis