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croyances et de ses sacremens ; elle s’était terrée, elle s’était tapie, comme une Eglise qui fuyait le jour, jusqu’à ce que le pape Grégoire le Grand eût envoyé le moine Augustin, pour que la lumière chrétienne se fît plus généreuse, plus rayonnante, à travers les immenses brouillards de là-bas. Les catholiques anglais, dans le premier tiers du XIXe siècle, rappelaient en quelque mesure, par leur attitude débile et boudeuse, les Celtes du VIe ; et ce n’est qu’en reprenant contact avec Rome que le catholicisme anglais sortit enfin de son engourdissement solitaire. Il reprit contact avec Rome par Wiseman, qui fut, sur les bords du Tibre, élève et recteur du collège anglais ; par Newman, qui, une fois converti, humilia et paracheva la maturité de son génie en allant étudier au collège de la Propagande ; par Manning, enfin, d’autant plus attaché aux magnificences du « papisme romain » qu’il abhorrait les ambitions du « césaropapisme » britannique. M. Thureau-Dangin consacre d’ailleurs d’attrayans chapitres aux divergences qui séparèrent ces grands hommes, et qui leur furent, suivant la belle parole de Newman, une « occasion d’exercer la charité. » Mais Newman lui-même, — si enclin fût-il, parfois, à craindre que l’accent impérieux de certaines définitions dogmatiques n’eût pour effet de « rejeter plus loin les temps et les momens du triomphe de Dieu, » — Newman, cependant, sans redouter le reproche d’« ultramontanisme, » se réjouissait d’acclimater sur les lèvres anglaises, à la faveur de son merveilleux petit livre : Méditations et Dévotions[1], un grand nombre de prières d’origine italienne ; et nul ne sut, comme lui, réveiller chez les catholiques d’Angleterre un besoin de communion étroite, familière, avec l’Eglise universelle ; nul ne sut comme lui, pour qu’ils trouvassent enfin la cime de cette Eglise, tourner leurs regards vers les sept collines. Ainsi les anciennes familles catholiques, qui ne pouvaient point se glorifier, — ou presque point, — d’avoir contribué à la renaissance catholique anglaise, recueillaient de cette renaissance non seulement plus de considération parmi leurs concitoyens, mais aussi un avantage intellectuel et un profit spirituel ; et grâce à ces anglicans de la veille, elles devenaient en quelque façon plus catholiques, plus romaines. C’était d’Oxford et de Cambridge, de Londres et de Birmingham que s’envolaient, pour

  1. Ce livre vient d’être traduit par Mlle Pératé à la librairie Lecoffre, avec une préface de M. Henri Brémond.