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solitude des consciences ; ces consciences se sentaient portées, poussées par des élans autonomes, qui les conduisaient à chercher dans l’Eglise romaine de nouvelles méthodes de vie religieuse et des véhicules de grâces nouvelles, et puis à profiter et de ces méthodes et de ces grâces, soit en se faisant naturaliser dans l’Eglise qui les détenait, soit en s’efforçant de les transplanter dans l’anglicanisme. Aucun épisode religieux du siècle passé ne ramena vers la foi catholique, ou ne rapprocha d’elle, un aussi grand nombre d’âmes séparées ; et ce qui éclate à l’origine de ce retour, c’est, dans toute la plénitude du terme, la vertu de l’initiative religieuse. « Nous sommes comme des hommes escaladant un rocher, écrivait un jour Newman ; ils y déchirent leurs vêtemens et leur chair, glissent ici et là, avancent cependant. » La soumission de Newman à l’Église romaine fut ainsi le dernier terme d’une ascension, qu’il avait accomplie laborieusement, douloureusement, nous dirions presque cruellement, sous les regards lointains et volontairement discrets de Wiseman, et parmi l’inattention presque générale des catholiques anglais. La renaissance catholique, — et c’est un autre trait bien distinctif de ce très curieux réveil, — se produisit en dehors d’eux, le plus souvent sans eux, et quelquefois malgré eux : des cortèges d’âmes s’offraient au vieux clergé d’outre-Manche, généreux cadeau qu’il n’avait point eu l’idée de briguer ; et ces âmes d’elles-mêmes s’installaient sous sa houlette, malgré les suspicions qu’il inspirait et malgré les suspicions que lui-même éprouvait.

Qu’étaient, au début du siècle, les catholiques d’Angleterre ? Newman, dans un de ses sermons les plus saisissans, les évoque devant nous, « passant silencieux et tristes, comme un souvenir de ce qui avait été. »


Les catholiques romains, explique-t-il, n’étaient pas une secte, un corps, si petit qu’il fût, représentant la grande communion du dehors, mais une simple poignée d’individus que l’on pouvait compter, comme les pierres et les débris du grand déluge… Ici, c’était une bande de pauvres Irlandais. allant et venant au temps de la moisson, ou une colonie d’Irlandais dans un quartier misérable de la grande métropole ; là, peut-être, c’était un homme âgé que l’on voyait se promener dans les rues, grave, solitaire, étrange, quoique de noble maintien, et dont on disait qu’il était de bonne famille et « catholique romain ; » c’était une maison de vieux style, de sombre apparence, enfermée derrière de grands murs, avec une porte de fer, des ifs : on racontait que là vivaient des « catholiques romains ; » mais qui ils étaient,