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S’il était besoin de justifier M. Thureau-Dangin d’avoir envisagé les progrès du ritualisme comme un aspect de la renaissance catholique, les confiantes paroles du P. Rickaby suffiraient à légitimer le point de vue de l’historien. Lorsque le cardinal Vaughan disait à Ramsgate, à l’occasion du treizième centenaire de saint Augustin : « Le changement, la conversion survenue en Angleterre durant ce siècle, sont, sans parallèle dans la chrétienté : non fecit taliter omni nationi, » cet alleluia cardinalice faisait allusion aux manifestations du ritualisme non moins qu’aux nombreuses conquêtes du catholicisme.


II

Conquêtes, le mot, à vrai dire, est-il bien choisi ? L’Eglise catholique ne les a, strictement parlant, ni préparées, ni concertées : ce ne furent point des efforts ou des coups de force, mais des bonnes fortunes, ce que la théologie appelle des coups de la grâce ; et le livre de M. Thureau-Dangin nous fait assister bien plutôt, — le titre qu’il porte est parfaitement juste, — à l’épanouissement naturel d’une « renaissance » qu’à l’offensive militante d’une confession jadis persécutée.

Cette Angleterre, que la philosophie du XVIIIe siècle se plaisait à vanter comme la terre du libéralisme et de la tolérance, avait au contraire, au nom d’une légalité souvent sanguinaire, persécuté plusieurs générations de catholiques avec une froide dureté[1]. Mais en dépit de ces souvenirs, la renaissance catholique, au cours du XIXe siècle, n’y prit jamais l’aspect d’une revanche. A peine même cette renaissance fut-elle l’œuvre de l’Eglise ; elle se prépara loin des chaires et loin des tabernacles, dans la

  1. On ne saurait à ce sujet lien lire de plus émouvant que les deux volumes, puisés aux sources les plus sûres, dans lesquels la comtesse R. de Courson s’est efforcée de nous donner les Acta Martyrum de l’Angleterre catholique (Paris, Didot).