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Isolé dans Oxford, Pusey assistait aux conquêtes du Broad Church dans la terre natale du « tractarianisme. » Mais, à dater de la conversion de Newman, le tractarianisme, émigré de l’université, avait essaimé dans les paroisses ; et la portée, somme toute, s’en était accrue. Des résipiscences dogmatiques n’intéressent jamais qu’un petit nombre ; au contraire, des réformes liturgiques, parlantes aux yeux, captivaient et passionnaient la foule des fidèles. Entre 1850 et 1860, un mouvement qu’à l’heure présente l’antique puritanisme désespère d’arrêter, le mouvement « ritualiste, » commençait de se dessiner. Aux heures de prière et d’émotion dans lesquelles Newman se demandait pourquoi ses amis, de naguère, pourquoi Pusey, pourquoi Church, s’attardaient dans l’Eglise anglicane, il concluait :


Ces hommes sont maintenus de bonne foi, sans plus de lumière qu’ils n’en ont, étant de bonne foi anglicans, afin de préparer graduellement leurs auditeurs et leurs lecteurs, en plus grand nombre qu’autrement il n’eût été possible, pour la foi vraie et parfaite, et afin de les conduire, en temps opportun, dans l’Église catholique. S’ils eussent eux-mêmes senti qu’il était de leur devoir de devenir tous catholiques en une fois, l’œuvre de conversion aurait du même coup pris fin ; il y aurait eu une réaction. Eux, au contraire, comme saint Jean-Baptiste, font droite la voie du Christ.


C’est ainsi que, dans le plan divin tel que le commentait Newman, « tractariens » et « ritualistes, » demeurés à mi-chemin, servaient à leur façon ce catholicisme devant lequel ils refusaient d’abdiquer : ils s’évertuaient à faire catholique leur Eglise avant de se connaître eux-mêmes comme catholiques.

Sous les regards embarrassés de l’épiscopat anglican, une mêlée s’engageait, qui dure toujours, entre le « latitudinarisme » fort incorrect du Broad Church et les minutieuses pratiques du « ritualisme. » Samuel Wilberforce, évêque d’Oxford, s’efforçait de rendre à cet épiscopat un certain prestige d’indépendance en ressuscitant la vieille institution des parlemens ecclésiastiques, des convocations, comme on les appelait : l’essai n’avait qu’un médiocre succès ; et lorsque, entre 1860 et 1865, la publication des Essays and Reviews par un groupe de théologiens médiocrement orthodoxes et l’apparition du livre de l’évêque Colenso contre le Pentateuque soulevaient les alarmes épiscopales, ces alarmes n’avaient qu’à se taire, mortifiées, mais non rassurées, en présence des jugemens souverains par lesquels