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M. Thureau-Dangin, dans une langue limpide et grave, décrit un phénomène très complexe, ou, pour mieux dire, deux phénomènes, les plus attrayans peut-être que nous offre l’histoire religieuse du siècle dernier. Deux Eglises sont en présence : la catholique et l’anglicane. Au début du siècle, l’Eglise catholique, dans le royaume de Grande-Bretagne, semble réduite à une volontaire insignifiance, à un effacement systématique. Trente années s’écoulent : sous les regards de cette disgraciée, qui tout d’abord semble surprise de ses propres succès, voici qu’une brèche s’ouvre dans l’édifice de l’anglicanisme. Par cette brèche, des âmes anglicanes s’en vont, qui, spontanément, apportent à l’Eglise romaine l’adhésion de leur croyance et l’hommage de leur dévotion ; mais par cette brèche, aussi, s’infiltrent continûment, malgré la surveillance du sacristain d’élite qu’est l’Etat angolais, certains rites, certains usages, certains sacremens de l’Eglise romaine ; et ces rites, ces usages, ces sacremens, pénètrent dans l’anglicanisme avec une indiscrétion tenace et victorieuse. L’observation la plus sommaire, au moment où le siècle s’achève, constate que la foi catholique a, tout ensemble, reçu l’assentiment formel d’un certain nombre d’anglicans mal satisfaits, et mis son empreinte, dans l’Eglise anglicane même, sur de vastes groupemens d’âmes pieuses ; il y a là comme deux progrès parallèles et divers, et ces deux progrès se poursuivent toujours.


I

Du haut de la chaire de l’Oratoire, en 1890, Manning octogénaire célébrait Newman nonagénaire, qui venait de mourir. Manning, en très beaux termes, rappelait l’action intérieure qu’avait exercée dans l’Eglise romaine John Henry Newman, « centre d’âmes innombrables, lumière de printemps, force venue d’une source naturelle, prêcheur de justice, de piété et de compassion. » Mais il aurait cru n’avoir pas dit de Newman tout ce