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tourner de son droit chemin par l’effroyable attentat dont il a failli être victime. Le programma qu’il a publié le lendemain est certainement celui qu’il avait préparé et rédigé la veille ; c’est à peine s’il y a ajouté quelques touches où la tristesse reste unie à la fermeté. L’œuvre garde un caractère impersonnel et objectif très remarquable en pareille circonstance. Il y a de la sérénité dans l’attitude de M, Stolypine. Mais ce que nous louons surtout en lui, c’est le calme avec lequel il prépare le programme des travaux de la future Douma, car la Douma est toujours l’objet de ses préoccupations : elle y demeure en quelque sorte invisible et présente. D’où on peut conclure, d’abord que la promesse de réunir une assemblée nouvelle a été faite et sera loyalement tenue ; ensuite que le gouvernement, reconnaissant la faute capitale qu’il a commise avec la première Douma ne la renouvellera pas avec la seconde. Cette faute a été de ne donner à l’assemblée rien à faire : comment s’étonner dès lors qu’elle se soit livrée à des écarts parfois inconsidérés ? Il aurait fallu, au contraire, la mettre tout de suite aux prises avec des faits concrets, avec un programme, avec des projets de loi politiques, sociaux, agraires, et lui montrer un peu de considération et de la confiance dans l’accomplissement d’une tâche qui devait être commune. Mais laissons le passé. Pour l’avenir, M. Stolypine prépare, en vue de la Douma, un nombre considérable de projets de loi, portant sur toutes les questions dont l’opinion s’occupe et pour lesquelles elle se passionne. Il s’agit d’assurer la liberté religieuse, l’inviolabilité des personnes, l’égalité civique, l’amélioration de la propriété foncière des paysans, l’amélioration de la santé des ouvriers, d’organiser l’assurance de l’État, de réformer des gouvernemens locaux, de créer des zemstvos là où il n’y en a pas, de transformer la justice locale, de réformer l’école, et même d’établir l’impôt sur le revenu, car il n’y a plus aujourd’hui de programme où l’on croie pouvoir se dispenser de parler de cet impôt. Voilà bien des choses ! La première de toutes est la réforme agraire ; mais c’est aussi la plus difficile et la plus délicate. Comment satisfaire les paysans ? Et comment se dispenser de le faire ? « Le gouvernement, dit M. Stolypine, assurera à des Commissions locales le moyen de travailler à l’amélioration du sort des paysans dans les régions où l’on a souffert de la pénurie des terres. L’œuvre ainsi accomplie dans ces localités fournira les matériaux à la Douma pour résoudre cette question extrêmement complexe. » M. Stolypine indique une méthode de travail dont il est difficile de dire par avance quel sera le rendement utile ; mais il reconnaît à la Douma le droit de traiter la question et