l’intérêt plus touchant qui s’attache aux enfans du premier ministre, odieusement mutilés. Il n’a d’ailleurs rien de particulier, et a été accompli avec une présence d’esprit, un sang-froid, un courage qui, pour être atroces, n’en sont que plus extraordinaires. Le programme du gouvernement contient l’énumération des principaux personnages assassinés dans l’été de 1906 ; elle est longue et effrayante ; mais combien d’autres, plus humbles et moins en vue que les généraux et les hauts fonctionnaires, ont succombé sur un point ou sur un autre d’un territoire immense ! « La police subit quotidiennement des pertes énormes, » dit le programme-manifeste. Et il faudrait parler encore des propriétaires qui succombent obscurément au fond des campagnes, sous la violence de la crise agraire. Que de sang répandu ! Que de vies humaines perdues ! Le gouvernement regarde comme le premier de ses devoirs de réprimer ces folies criminelles. Il opposera, dit-il, la force à la violence, et il aura bien raison de le faire. Parmi toutes les libertés qu’il se propose d’assurer à la Russie, figure la « liberté de vivre. » Il semble que ce soit la première du toutes ; mais c’est aussi la plus difficile à garantir à un pays où est poussée si loin l’indifférence à mourir. Ni le gouvernement ni la révolution ne peuvent grand’chose l’un contre l’autre par ces moyens implacables ; et le gouvernement le sait bien puisqu’il dit dans son programme : « Ce serait une grande faute de considérer la répression des attentats criminels comme but unique et d’oublier les causes qui ont engendré les troubles. » Il faut effectivement s’en prendre à ces causes elles-mêmes. Le gouvernement ne se fait d’ailleurs pas non plus l’illusion de croire qu’il suffira de réformes libérales pour arrêter la révolution, car « les révolutionnaires ne luttent pas, dit-il, pour les réformes dont l’introduction est considérée comme nécessaire par le gouvernement lui-même, mais pour l’introduction dans l’État d’un régime socialiste. » Les révolutionnaires veulent tout renverser, et d’abord le gouvernement. Celui-ci se défend, ce qui est son droit. La question est de savoir s’il s’y prend toujours pour le mieux.
Nous sommes bien obligé de constater que le programme politique de M. Stolypine n’a pas produit, en Russie, une impression aussi favorable que nous l’aurions désiré. Il témoigne cependant d’une bonne volonté sincère, et, s’il était entièrement réalisé, l’état intérieur du pays en éprouverait une transformation heureuse. Qu’il y ait des insuffisances et des lacunes dans ce programme, nous le voulons bien ; mais, puisqu’il est impossible de tout faire, doit-on tout