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schismatiques au premier chef ; elles seront précisément les associations laïques repoussées d’abord par l’Église ; elles ne présenteront même pas les garanties jugées insuffisantes de l’article 4. Et alors comment partager la confiance de M. Briand ? Quelles que soient les intentions qui ont pu inspirer de pareils projets, et nous voulons croire qu’elles sont de sa part bienveillantes, l’exécution conduirait tout droit à une tentative de schisme : à moins, — mais c’est une hypothèse que M. Briand repousse avec une résolution sans appel, — à moins de commencer par ouvrir une conversation avec Rome. Ce serait une « capitulation ! » dit M. le ministre des Cultes. Il ne veut causer qu’avec les évêques ; il les invite à venir le voir ; il les attend très obligeamment dans son cabinet. Nous craignons que cette attente ne soit longue, et, en vérité, que pourraient se dire les évêques et M. Briand ?

Nous nous sommes déjà expliqué sur les conséquences, pour l’Église, de l’attitude que le Saint-Père a adoptée. La perte probable de 200 ou de 300 millions serait la plus immédiate, mais non pas la plus grave. L’organisation du culte deviendrait de plus en plus difficile dans nos paroisses rurales, et le recrutement du clergé de moins en moins assuré. Nous ne reviendrons pas aujourd’hui sur ce sujet. Mais si, de son côté, le gouvernement croit, comme il se plaît à le dire, que l’application de la loi pourra se faire, malgré la force d’inertie que paraît vouloir lui opposer le clergé, sans qu’il soit obligé de recourir lui-même à quelque violence, c’est en quoi il se trompe. Sans doute, quand certains évêques ou curés parlent de monter sur l’échafaud, ils se trompent de siècle ; ils ne sont pas menacés de ces. extrémités ; mais ils auront à subir beaucoup de vexations, et le gouvernement sera obligé de les leur infliger bon gré mal gré. Les poursuites et les condamnations pleuvront sur eux. C’est du moins ce qu’il faut conclure des avertissemens que M. Briand leur prodigue par l’intermédiaire de la presse. En veut-on un exemple ? La question des églises le fournira.

Nous disions, il y a quinze jours, que le gouvernement ne serait pas assez maladroit pour les fermer. M. Clemenceau s’était déjà prononcé sur ce point avec une grande force ; il y est revenu depuis, et toujours dans le même sens ; il est même allé jusqu’à dire qu’aussi longtemps qu’il resterait ministre, on ne fermerait pas une seule église sur toute la surface du territoire. Voilà qui est bien ; mais dans ces églises laissées largement ouvertes, les curés pourront-ils dire la messe et les fidèles l’entendre ? Ah ! c’est une autre