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fidèles. On nous a d’ailleurs dit et répété à l’excès, depuis quelque temps, qu’il serait le plus souvent très difficile et quelquefois même impossible de trouver en nombre suffisant dans les paroisses les membres des futures associations : et voilà que la difficulté disparaît comme par enchantement. Pourquoi ? Est-ce parce que les associations, au lieu d’être faites par les curés et par les évêques, le seraient par les maires et par les sous-préfets ? Donnera-t-on par hasard aux fonctionnaires l’ordre d’y entrer ? Mais alors ces associations seront-elles formées conformément aux règles d’organisation générale du culte qu’elles se proposeront d’organiser ? Cette prescription de l’article 4, — qui aurait dû, à notre sens, assurer le salut de la loi, — sera-t-elle respectée dans le système de M. le ministre des Cultes ? Quelle sera enfin, si on se reporte aux deux Encycliques, l’altitude des curés, des évêques et du Pape à l’égard de ces associations de contrebande ? M. Briand ne s’en embarrasse pas ! Il va droit au fait matériel, et déclare que ces associations seront légales jusqu’à ce que, la preuve aura été faite, devant la juridiction compétente, qu’il leur est impossible de réaliser leur objet. Nous craignons que cette preuve ne ressorte des faits eux-mêmes avec évidence et qu’elle ne soit très facile à faire. Mais, en attendant, les fabriques devront remettre aux nouvelles associations les biens qu’elles administrent. Le feront-elles ? Il est possible qu’on ait sur leurs membres des moyens d’intimidation qui seront quelquefois efficaces : en aura-t-on d’équivalens sur les évêques, et obtiendra-t-on d’eux qu’ils opèrent de bon gré la dévolution de leurs menses ? Non, certainement ! Il faudra des procès, des condamnations, des saisies, toutes choses qui auront déjà l’apparence d’un commencement de persécution. Mais enfin, soit ! voilà qui est fait, et les associations de M. Briand ont les mains pleines des dépouilles de l’Église ! Leurs membres vont trouver le curé, dépourvu d’église et de ressources, et ils lui disent : « Vous n’avez pas les moyens matériels d’assurer l’exercice du culte dans la paroisse ; vous allez être obligé de vous adresser à nous individuellement pour vous procurer ces moyens. Eh bien, collectivement, nous vous les fournissons. Voici l’église, voici les objets du culte, voici les sommes nécessaires à l’exercice de la religion ! » Tel est le langage textuel que M. Briand prête aux membres de l’association formée en dehors du curé et de l’évêque. Il le juge très séduisant : il n’y résisterait sûrement pas pour son compte, et il demande ce que le curé pourrait y répondre. Est-il bien nécessaire de le dire et M. Briand ne s’en doute-t-il pas ? De pareilles associations, s’il s’en forme, seront,