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REVUE LITTÉRAIRE

LA QUERELLE DES AUTEURS ET DES CRITIQUES AU THÉÂTRE

Depuis le vieux Geoffroy, qui est l’ancêtre de la corporation, presque tous les critiques de théâtre, sans en excepter Jules Janin lui-même, ont pris soin de réunir leurs feuilletons en volumes. Ou si quelque scrupule les en a empêchés, une main pieuse, aussitôt l’ouvrier disparu, a choisi, pour la publier à nouveau, la meilleure part de l’œuvre interrompue par la mort. Ces recueils, qui sont fort utiles, le sont d’abord aux auteurs dramatiques. Car ceux-ci entendent le bruit des applaudissemens qui éclatent dans la salle, et ils en conçoivent une légitime fierté ; mais, une fois passé le moment de son plaisir, le public sait-il toujours très nettement à qui il le doit ? Il lui arrive, hélas ! trop souvent d’embrouiller les noms de ses auteurs favoris, comme aussi les titres qu’ils ont à sa reconnaissance, et de ne pas faire très exactes, dans le trésor commun du théâtre contemporain » les parts individuelles. Les comptes rendus des critiques sont, à tout le moins, des inventaires où chacun peut retrouver et reprendre son bien. Ils empêchent en même temps que beaucoup des ouvrages qui brillèrent aux feux de la rampe ne disparaissent, sans laisser d’eux-mêmes aucune trace. Les gloires de la scène sont, pour la plupart, aussi éphémères qu’éclatantes ; des artistes les plus fameux, à peine est-ce s’il reste un nom, et qui n’évoque plus aucune idée précise ; et rien n’est plus lamentable que


Du spectacle d’hier l’affiche déchirée.


Parmi les pièces qui furent le chef-d’œuvre de la saison dernière, combien en est-il dont tout souvenir s’est déjà effacé dans la mémoire de ceux des spectateurs qui les acclamèrent le plus bruyamment ? Et si