Page:Revue des Deux Mondes - 1906 - tome 35.djvu/404

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

journaliers en guenilles vont faire la noce. Le territoire habité n’est pas considérable. Il touche au cinquième arrondissement et a reçu une partie des malheureux qui ont dû quitter le Jardin des Plantes, à la suite des travaux de voirie qu’on y a faits. C’est ainsi que les environs de la place d’Italie ont hérité d’un grand nombre de brocanteurs et chiffonniers, de toute la colonie italienne des modèles, et de presque tous les journaliers de professions équivoques qui fréquentent le marché aux chevaux. On y trouve aussi un certain nombre des agens de la Salpêtrière et du Magasin central des Hôpitaux, quelques employés du chemin de fer d’Orléans, et quelques ouvriers de la raffinerie Say.

Le quartier de la Gare est deux fois plus étendu que son voisin et deux fois plus peuplé. Un espace considérable est pris par les dépendances de la gare d’Orléans. Il existe, en bordure du boulevard de la Gare et de la rue de Tolbiac, quelques industriels qui fabriquent des tonneaux pour l’entrepôt de Bercy ; à côté d’eux se sont établies quelques entreprises de roulage. Il est probable que si la gare de chemin de fer n’existait pas, la gare fluviale qui a donné son nom au quartier, aurait une importance beaucoup plus apparente. Les débardeurs qui sont occupés sur les deux rives du fleuve logent ici, ainsi qu’une bonne part des employés du chemin de fer ; et aussi, malheureusement pour le quartier, un très grand nombre de journaliers qui se donnent comme porteurs aux Halles. Ce sont ces gens qui forment le fond de la population de la cité Jeanne-d’Arc, fameuse pour tous ceux qui s’occupent des pauvres à Paris. En ce lieu, les visiteurs sont mal reçus, même quand ils viennent pour donner ; il n’est pas rare de trouver les marches d’un escalier encombrées par des filles et leurs souteneurs ; et dans la cour, c’est un grouillement permanent d’enfans malpropres, mal portans et grossiers. La cité Jeanne-d’Arc est la forme actuelle de la Cour des Miracles. Un peu plus loin, la rue Nationale apparaît comme la grand’rue des chiffonniers. C’est là que se trouvent ces grandes maisons d’épicerie dont les denrées sont offertes aux plus bas prix qui soient connus. A l’extrémité de cette rue, vers la Porte d’Ivry, sont installés les vanniers qui campent sur les terrains non construits ; ils vont, quand l’herbe pousse, parcourir les grandes routes, avec un mauvais cheval dont la nourriture doit ne rien leur coûter ; ils emmènent leurs grands chiens, laissant les vieux à la garde de la masure et du terrain. Enfin, vers la Porte d’Ivry