la séparation. Et on y arrivera ! S’il est possible d’admettre qu’en philosophie transcendante, du point de vue de Sirius, « il n’y ait rien de plus méprisable qu’un fait, » en histoire, dans la réalité de la vie quotidienne, de celle des nations comme de celle des individus, les faits seuls comptent. Ils font plus que compter, ils s’imposent ! Ils s’imposeront à M. Briand et à M. Clemenceau, comme ils se sont imposés à de plus forts et à de plus grands. Si ce n’est pas à eux qu’ils s’imposeront, ce sera à leurs successeurs. Et c’est pourquoi nous ne doutons point que, si la République française et le catholicisme ne se réconcilient pas, — bien qu’ils n’aient rien d’incompatible, — ils n’en viennent du moins à un accord, qui se fera, si l’on veut, sur le pied de la paix armée ou de la défiance réciproque, mais qui n’en sera pas moins un accord. L’histoire universelle est pleine d’accords de ce genre ! Il faudrait, pour qu’il en fût autrement, supposer chez nous la destruction radicale du catholicisme, comme la poursuivent brutalement certains sectaires et insidieusement certains autres. Mais le gouvernement ne prendrait pas tant de mesures ni de précautions s’il croyait cette ruine immJnente : il la laisserait tout doucement s’accomplir.
Nous ne chercherons pas à prévoir les résolutions finales du gouvernement, ni celles de l’épiscopat. Les événemens ont plus d’une fois déjà déjoué nos prévisions : le mieux est d’attendre, sans renoncer à notre tour de parole, que l’épiscopat et le gouvernement aient parlé les premiers, ou plutôt qu’ils aient agi. Sans sortir de la loi de 1905, le gouvernement peut l’appliquer avec plus ou moins de modération. On a fait remarquer que la lettre de cette loi l’oblige seulement à mettre sous séquestre les biens ecclésiastiques, et nullement à en faire, dès le 11 décembre prochain, une attribution immédiate et définitive. La temporisation lui est encore plus facile pour les églises, conformément au sage désir, au conseil prudent de M. Clemenceau, puisqu’il n’est, en somme, obligé d’en faire l’attribution à personne et que, s’il la fait, il peut y mettre à la fois du temps et des conditions. Mais que décidera-t-il ? En admettant même qu’il n’apporte aucune hâte à prendre un parti lorsque la loi ne l’y contraint pas, il est à craindre, au contraire, qu’il n’use de tous les moyens qu’il trouvera dans l’arsenal de nos codes pour empêcher l’organisation du culte sous le régime du « droit commun, » tel que l’Encyclique parait le croire possible, et là même est le nœud de la difficulté. Comment les évêques de France le dénoueront-ils ? Comment assureront-ils l’exercice public du culte ? De quelles ressources disposeront-ils pour cela ?