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document que le Pape blâme la loi, — ce qui n’est pas nouveau, — et qu’il réprouve les associations cultuelles. Mais finalement il accepte que les catholiques en forment, à la condition qu’elles soient canoniques et légales. » M. Briand se trompait ; il retardait ; il continuait de vivre sur ses espérances. S’il avait mieux lu l’Encyclique, il y aurait vu que le Pape réprouvait toutes les associations qui se proposeraient, en organisant l’exercice du culte catholique, de s’accorder avec le texte de la loi de 1905. Il s’en est aperçu, ou on le lui a montré dès son arrivée à Paris : alors le cas lui a paru grave. Il a convoqué autour de lui le seul pouvoir qui soit toujours en permanence, même pendant les vacances des autres, c’est-à-dire la presse représentée par ses reporters, et il a fait à ceux-ci des confidences qui, tout en ayant pour objet d’intimider la Cour romaine, ne laissaient pas de témoigner de l’embarras où il se trouvait lui-même. Que fera le gouvernement ? Il appliquera la loi, c’est entendu ; mais il sera obligé pour cela de sortir de son programme, et même de son caractère. Au lieu de faire des réformes sociales, il sera acculé à faire de la persécution religieuse ; et c’est ce qu’il n’avait ni prévu, ni voulu. Nous croyons pouvoir lui rendre, en effet, cette justice qu’il ne l’avait pas voulu. Rien n’était, en ce moment du moins, plus éloigné de ses intentions. Mais quoi ! la loi est là, et c’est un tyran domestique impérieux qu’une loi qu’on a introduite chez soi par mégarde. On n’est plus libre, il faut obéir. L’application de la loi peut faire sans doute beaucoup de mal à l’Église : le malheur est qu’elle en fera aussi quelque peu au gouvernement. M. Briand dissimule mal ses perplexités. On les aperçoit sous l’énergie d’ailleurs intermittente et hésitante de ses paroles. Ah ! qu’il voudrait que tout cela s’arrangeât !

Mais comment ? Cette fois, nous ne parlons plus de M. Briand. D’autres que lui ont songé à une solution qui consisterait à modifier la loi. Dans quel sens, c’est ce que nous laissons à penser. M. Clemenceau, qui était à Carlsbad quand a paru l’Encyclique, n’a pas fait de difficulté à s’en expliquer avec un journaliste américain. Sa première impression a été plus nette que celle de M. Briand. « C’est une déclaration de guerre, » a-t-il dit tout de suite avec l’exagération tranchante qu’il met souvent dans sa parole. Cette prétendue déclaration de guerre, M. Clemenceau est d’avis de la relever. « Il est évident, d’après lui, qu’en principe, une nouvelle situation demande de nouvelles lois. » M. Maujan, de son côté, a proposé de reviser l’article 4. M. Guieysse, lui aussi, a annoncé l’intention de demander à la Chambre la suppression de la phrase incidente qui, dans cet article, oblige les