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presque insignifiantes de la deuxième édition, datée de 1582 ; et de la troisième, datée de 1587. On semble s’accorder à ne voir aujourd’hui dans celle-ci qu’une « contrefaçon. »

Personne jusqu’à présent n’a vu ni signalé dans aucune bibliothèque, la « quatrième édition » des Essais.

Cependant la cinquième n’en porte pas moins le chiffre de cinquième édition, et elle a vu le jour, non seulement du vivant, mais par les soins de Montaigne. Elle est la première qui contienne le troisième livre des Essais, « avec six cents additions aux deux premiers » : cette indication est de Montaigne lui-même. L’édition est datée de 1588, et elle a paru à Paris, en un volume in-4o, chez le libraire l’Angelier.

C’est quatre ans plus tard que Montaigne mourait, en 1592, lassé ou dégoûté de beaucoup de choses, à ce qu’il semble, mais non pas de se relire, sinon de se mirer dans ses Essais, et de les enrichir ou de les enfler quotidiennement du profit de ses lectures et de ses réflexions. Il se servait pour cela d’un exemplaire en feuilles de l’édition de 1588, dans les interlignes et aux marges duquel il consignait ses corrections et additions. Ce sont ces bonnes feuilles, reliées après sa mort, que l’on appelle « l’exemplaire de Bordeaux, » et on s’est demandé pendant longtemps, on peut même, nous le verrons, se demander encore aujourd’hui, quel en est le rapport avec l’exemplaire ou le manuscrit dont la fille « d’alliance » de Montaigne, la demoiselle de Gournay, s’est servie pour établir le grand et superbe in-folio de 1595, qui a fixé définitivement le texte des Essais. Une recension du texte de l’exemplaire de Bordeaux, fort mal faite, en 1802, par un encyclopédiste qui répondait au nom presque fameux alors de Naigeon, ne nuisit nullement à l’autorité du texte de Mlle de Gournay. Victor Le Clerc, notamment, suivit la docte fille dans sa belle édition, celle qui fait partie de la Collection des classiques finançais, et qui demeure infiniment précieuse, à cause de la peine qu’il s’y est donnée de remonter à la source des citations grecques et latines de Montaigne ; et, d’une manière générale, c’est le texte de Mlle de Gournay qui constitue ce que l’on est convenu de mommer « la vulgate » du texte de Montaigne. Il convient de noter que l’une des dernières éditions des Essais, celle de MM. Motheau et Jouaust, a reproduit l’édition de 1588, avec, au bas des pages, les variantes et addilions de 1595. M. Strowski la « recommande » pour l’usage