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désirait, sur le terrain des concessions ; et que, l’opinion de Consalvi ayant tardé à prévaloir, il fallut moins de cinq ans pour que Rome eût à prendre des mesures contre le vicaire Milner, chef de ces intransigeans qu’un instant elle avait paru encourager[1]. Lorsque Consalvi souhaitait pour l’Église britannique le triomphe de certaines solutions modérées, ce n’était point le politique, mais bien plutôt le prêtre, qui parlait (et qui insistait « Il est des gens en Irlande, écrivait-il, qui, d’une façon médiocrement innocente, se servent du prétexte de la religion pour leurs desseins et pour leurs fins politiques... Les Irlandais sont naturellement très ennemis de l’Angleterre, et quelques-uns, même sans le vouloir, voient en noir tout ce qui vient de l’Angleterre. »

L’œil aiguisé de Consalvi discernait le point précis où finissait la vraie sollicitude pour les intérêts religieux et où commençait, au contraire, l’exploitation politique de ces intérêts ; et sa conscience d’homme d’Église avait l’inflexibilité nécessaire pour dissiper toute confusion, dire halte à toute ingérence, et dégager l’Église de toute compromission. L’ère du parlementarisme commençait ; les formes nouvelles de la vie civique dans les divers pays exposaient l’Église à certains périls en même temps qu’elles lui ménageaient certains avantages ; la politique suivie par Consalvi à l’endroit de l’Angleterre montra qu’il pressentait, avec une admirable équité d’intelligence, et ces périls et ces avantages. Il entrait dans l’esprit de cette politique que l’Église ne fût liée à aucun parti non plus qu’à aucune combinaison d’intérêts internationaux. Pie VII avait mieux aimé subir l’infortune que d’adhérer aux décisions commerciales auxquelles Napoléon soumettait l’Europe ; la fin de son pontificat fut à l’avenant du début ; et le secrétaire d’Etat Consalvi fut aussi libre à l’endroit des vainqueurs de Napoléon qu’il l’avait été à l’endroit de Napoléon.

L’avènement du cardinal della Genga, devenu Pape sous le nom de Léon XII, renvoya Consalvi à l’horticulture qu’il aimait. Une lettre de Louis-Philippe existe, dans laquelle le futur roi des Français dit au cardinal : « Le prince de Talleyrand, qui

  1. L’ouvrage capital sur la question est celui du P. Amherst, S. J. : The History of Catholic emancipation and the progress of the catholic Church in the British Isles from 1771 to 1820, II, p. 141 et suiv. (Londres, Hegan, 1886) : il a désormais besoin d’être complété à l’aide des documens que publie le P. Rinieri.