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L’abus du sport est l’une des causes de la faiblesse des études secondaires en Australie. Elle est une des réponses à la question qui y a été récemment posée : Are our boys degenerating ? Elle en est peut-être la principale ; car, ainsi que je l’ai dit plus haut, l’enseignement est donné dans de bonnes conditions, et l’esprit australien, bien qu’un peu lent, a des facultés d’assimilation et d’application plus que suffisantes.

Cet abus présente un autre danger, celui de déformer la plus belle moitié de la population. L’autre moitié est, au point de vue plastique, moins intéressante, car un gentleman peut avoir sans inconvénient pour sa carrière ou sa position sociale, de grands pieds et de grosses mains. Mais le développement des extrémités est une disgrâce pour les dames. Or, la nature impartiale distribue aux enfans, sans distinction de sexe, les défauts physiques de leurs pères. Il serait fâcheux de voir disparaître les petits pieds et les jolies mains qu’on rencontre encore en Auslie, et cela ne pourrait manquer de se produire en deux ou trois générations si la manie du crocket et du foot-ball continuait à y sévir avec la même intensité.

Les courses de chevaux n’ont pas les mêmes inconvéniens, et elles provoquent là comme en France et en Angleterre un grand déploiement de toilettes et de luxe. Les plus importantes épreuves hippiques sont parfaitement organisées en Australie. Il en est de si populaires qu’elles prennent le caractère et l’ampleur de fêtes nationales. Les Australiens prêtent d’ailleurs peu d’attention aux commémorations officielles. Pendant la semaine où se court la Cup, la population de Melbourne est presque doublée, et notre Grand Prix de Paris est loin de posséder la même puissance d’attraction. Le mouvement créé par le Cup day est presque irrésistible. En voici une preuve :

Le 1ee novembre 1894, l’empereur Alexandre III, beau-frère de la reine d’Angleterre actuelle, alors princesse de Galles, étant mort, la cour de Saint-James prit le deuil pour un mois. Les gouverneurs des colonies australiennes en furent avisés par dépêche. Le 3 novembre, des salves de canon furent tirées à Melbourne, Sydney et dans les autres capitales coloniales, et les drapeaux mis en berne. A Melbourne, on se trouvait dans la race week (la semaine du Cup day). Suivant l’usage, lord Hopetoun, gouverneur de Victoria, avait préparé deux grands bals. Les gouverneurs des autres colonies, présens à Melbourne, devaient y