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Comment une nation si jalouse de son indépendance politique est-elle restée encore si dépendante de la nation mère ? Le principal motif s’en trouve dans l’orgueil de race, fortifié par le fait que la population australienne est, dans la proportion de 95 pour 100, de descendance britannique. L’Australie est peut-être, de tous les pays de race blanche, celui dont la population est la plus homogène. Cet orgueil, que justifient dans une large mesure les grands succès coloniaux de l’Angleterre, a donné naissance à une opinion moins justifiée, celle de l’inutilité de connaître l’étranger. L’Australien puise dans sa qualité de Briton la conscience d’une supériorité qui ne lui paraît pas discutable. On n’est d’ailleurs exactement informé en Australie que de ce qui se passe en Angleterre. On n’y reçoit que des journaux anglais. Les nouvelles du monde extérieur n’y parviennent que par l’intermédiaire des agences télégraphiques de Londres. Peu d’étrangers visitent le pays. L’Angleterre est comme un écran interposé entre lui et le reste du monde.

Cependant, des influences contre lesquelles on ne peut gagner que du temps ont commencé leur œuvre sur le continent australien La vaste étendue du territoire et la difficulté des communications intérieures ont donné naissance à certaines habitudes spéciales ; mais la plus puissante de ces influences est celle du climat, parce que rien ne peut en arrêter l’action. C’est lui qui, déterminant les produits du sol, crée par cela même les intérêts qui s’imposent à la population, règle les usages de la vie quotidienne, influe sur la race et la modifie.

Considérées dans leur physionomie climatologique générale, l’Angleterre est un pays humide et froid, l’Australie un pays sec et chaud. Donc, entre les habitans de ces deux pays, les différences ne pourront que s’accentuer, les ressemblances que s’atténuer. Dans la lutte entre le climat et l’atavisme, chaque génération enregistrera une défaite de celui-ci, car rien ne peut prévaloir contre la loi immuable de la nature qui tend à transformer l’individu pour l’adapter aux conditions du sol.

Quant à présent, la discipline établie par les usages, et la crainte du « qu’en dirait-on ? » imposent les mêmes exigences aux Australiens qu’à nos voisins d’outre-Manche ; mais l’uniformité dans les points de vue et dans l’expression des opinions particulières ne se retrouve plus en Australie. C’est que, hors son respect de la loi, — ou plutôt de l’ordre légal, — l’Australien