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sont rendu compte : c’est une leçon pour le gouvernement et pour la Douma de demain.

Car, encore une fois, nous y croyons, et nous dirons volontiers avec sir Henry Campbell Bannerman : « La Douma est morte, vive la Douma ! » On sait dans quelles circonstances le premier ministre anglais a prononcé ces paroles d’abord mal comprises, puisqu’on y avait vu un blâme, qui aurait été assurément très déplacé dans sa bouche, d’un acte de politique intérieure accompli par un gouvernement étranger. Sir Henry n’avait aucune pensée de ce genre et il avait pris soin de le dire. Le gouvernement impérial ayant annoncé lui-même l’intention de convoquer une autre Douma, il était naturel, légitime, convenable, que le représentant d’un grand pays libre la saluât au passage. Les assemblées ont leurs défauts, mais on n’a encore trouvé rien de mieux pour assurer un contrôle indispensable sur les actes d’un gouvernement et pour y associer le pays. La Douma n’est pas morte : une Douma seulement a été dissoute, ce qui n’est pas la même chose. Les promesses de l’Empereur et ses rescrits restent : il ne faut pas douter que les premières seront tenues et les seconds exécutés.


Ce discours de sir Henry Campbell Bannerman a été prononcé à la première séance de la Conférence interparlementaire récemment réunie à Londres. Il a fait grand bruit, non seulement à cause du passage relatif à la Douma, mais à cause de sa contexture générale. Singulière évocation que cette conférence inter parlementaire ! Elle se composait de représentans de tous les parlemens du monde : peut-être en avait-on oublié quelques-uns, mais il y en avait une vingtaine de représentés, ce qui rendait l’assemblée suffisamment imposante. Toutefois ces représentans s’étaient désignés eux-mêmes, circonstance qui diminuait un peu leur autorité. La Conférence s’étant ouverte le jour même où l’on a appris la dissolution de la Douma, les membres de celle-ci s’en sont retirés très dignement, et leur départ a provoqué une émotion vive et profonde dont sir Henry Campbell Bannerman s’est fait l’interprète éloquent. La Conférence n’avait, on le voit, rien d’officiel : néanmoins sir Henry y est venu et y a parlé en qualité de chef du gouvernement, ce qui a donné à ses déclarations sinon plus d’intérêt, au moins plus de poids. L’assemblée était une réunion de « pacifistes, » le mot est devenu à la mode ; sir Henry s’y est montré le plus pacifiste de tous. Il s’agissait de préparer la nouvelle réunion de la Conférence de La Haye qui doit avoir lieu, paraît-il, l’année prochaine. L’arbitrage, la paix, la diminution des armemens devaient