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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 août.


Les nouvelles de Russie nous étant parvenues, il y a quinze jours, au moment même où nous écrivions notre chronique, nous nous sommes contentés de donner, en termes sommaires, l’impression générale qui s’en dégageait. Il nous semblait qu’au bout de deux ou trois semaines, les événemens auraient pris une direction mieux déterminée, que les choses se seraient en quelque sorte tassées, et qu’on commencerait à y voir plus clair. Ces espérances ont été en partie trompées, et il reste encore très difficile d’émettre un jugement et surtout une prévision quelconque sur ce qu’on est convenu d’appeler la révolution russe.

Révolution est-il le mot juste ? La France ayant été, pendant assez longtemps, le pays classique des révolutions, nous avons pu mieux que personne en observer les caractères : nous ne les retrouvons pas dans les événemens russes, et, plus nous allons, plus les analogies qu’on se fait un jeu d’établir entre des manières de procéder et d’évoluer aussi opposées nous apparaissent arbitraires. Il y a eu chez nous, dans certaines périodes de notre histoire, un élan général vers un même but, correspondant à une pensée et à des sentimens communs. La poussée qui se formait aUtrs était une et irrésistible. En Russie, rien de pareil. Il est impossible de moins se ressembler que les Russes et nous. Notre esprit latin est net, précis, logique, naturellement porté à l’organisation et à la cohésion ; le leur est vague, indéterminé, flottant, dispersé, et, s’il faut dire le mot, volontiers porté à l’anarchie. L’anarchie a sans doute sa place dans toutes les révolutions, puisqu’il faut détruire avant de remplacer. Parmi nos historiens,