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scrupuleux d’expliquer, de réparer la plus insignifiante erreur ; et si les conditions mêmes dans lesquelles je l’ai vu m’empêchent de dire autre chose, je puis dire, je dois dire que j’ai vu fonctionner loyalement le suffrage universel.


V

Dans une salle voisine, les « calculateurs professionnels » se tiennent à la disposition du bureau. Les chiffres de toutes les listes étant acquis et consacrés, ils vont, par un secret de leur art qui n’est pas un bien grand secret, déterminer le diviseur commun suivant lequel les mandats seront répartis entre les listes. A Bruxelles, comme il y a vingt et un sièges, le diviseur commun sera le vingt-et-unième quotient par ordre décroissant d’importance. C’est entendu, compris, accepté, et pas une voix ne réclame. Il ne doit y avoir ni doute ni équivoque sur ce point. Personne, en Belgique, ne proteste plus contre la représentation proportionnelle. Depuis que la question est posée en France, et que la R. P. y gagne chaque jour du terrain, on insinue volontiers, je le répète, que les Belges en sont mécontens et s’apprêtent à l’abandonner. Je répète aussi que rien n’est plus inexact. Ce dont un certain nombre de Belges, qui ne sont pas encore. la majorité, sont mécontens, ce qu’ils songent à abolir, c’est le vote plural, en vertu duquel il y a des électeurs à une, deux et trois voix en matière législative ; à une, deux, trois et quatre voix en matière communale[1]. Mais le vote plural est une chose et la représentation proportionnelle en est une autre. On peut fort bien concevoir la représentation proportionnelle sans le vote plural ; on la conçoit même mieux sans lui, car ce n’est pas le lieu de discuter de ses mérites et de ses défauts intrinsèques, mais, combiné avec la représentation proportionnelle, il faut reconnaître qu’il la complique.

Les quelques anicroches que j’ai pu noter dans le fonctionnement du régime électoral belge, les quelques arrêts ou accrocs dans la mécanique, ne viennent point de la représentation proportionnelle et ne tiennent point à la représentation proportionnelle ; en somme, dans ce régime, ce qui s’obtient le plus aisément,

  1. Loi du 11 avril 1895, relative à la formation des listes des électeurs communaux, art. 3.