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une majorité rognée et réduite presque à rien ? Recourra-t-il à une dissolution ? Ou se démettra-t-il purement et simplement ? Dans le cabinet, il paraît que les avis sont partagés. Attendons. Mais il est certain qu’à Bruxelles du moins, les catholiques semblent avoir le courant contre eux. Ceux qui n’ont pas d’autres raisons de leur en vouloir trouvent que voilà trop longtemps qu’ils durent. La Belgique commence à « s’ennuyer, » comme s’ennuyait la France, au dire de Lamartine. Aussi les libéraux sont-ils pleins d’espérance ; une seule chose les trouble : ils n’ont, dans leurs tournées de propagande, pu joindre les « cléricaux » nulle part, « ni au café, ni en chemin de fer, » car il y a des prédicateurs ambulans qui montent en wagon tout exprès pour avoir une occasion de plus de recommander leur chapelle, je veux dire leur parti. Mais les « cléricaux », eux, on ne les a pas vus ! Il est vrai que « la dernière heure » est passée, et qu’il ne s’est point produit le moindre corp, la moindre « manœuvre de la dernière heure ; » pas la moindre machination, entre toutes celles, plus noires les unes que les autres, auxquelles les libéraux croyaient leurs adversaires occupés dans l’ombre et le silence. Maintenant les amis de M. Janson respirent. Ils font et refont des pointages. Si le ministère, au lieu de ses vingt voix de majorité dans la Chambre des représentans, n’en a plus que huit ou dix, il est mort ; en tout eus, mortellement blessé : peut-être essaiera-t-il de se traîner encore, mais il ne saurait aller loin.


Cinq heures. — Devant la Maison du Peuple. La petite place est toute noire d’une foule grouillante : hommes, femmes, enfans, tout petits enfans qui courent, se poursuivent, se bousculent ; on se demande comment il n’y en a pas d’écrasés par les tramways dont le service n’est pas interrompu. La salle du café regorge de buveurs. Là-haut, derrière la loggia, où l’on affiche les résultats, le conseil du parti siège en permanence. L’escalier est gardé sévèrement. Par bonheur, pendant que je parlemente avec la sentinelle, arrive le citoyen Maes, secrétaire du parti ouvrier belge. Il fuit fléchir pour moi la consigne, et je puis ainsi entrer. Le citoyen Vandervelde est au fond, tout près de la grande baie entr’ouverte. Nous causons un peu. La joie, ici, est modeste, à la mesure du succès qui ne s’annonce pas bien éclatant. Mais pas de découragement non plus, pourvu que