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supprimait toute cette catégorie d’héritages ab intestat, l’Etat recueillerait tout au plus 3 o48 1S7 francs ; mais, dit avec raison M. Poincaré, il faudrait tenir compte du nombre croissant des testamens et également des droits du conjoint survivant qui, en l’absence de parens successibles, jouit d’une priorité sur l’Etat, de sorte que « le bénéfice à attendre de la suppression des six derniers degrés de parenté n’atteindrait pas 2 millions (page 95 de l’Exposé des motifs du budget de 1907). »

De même, le ministre des Finances écarte cette autre idée puérile qu’il suffit d’attribuer à l’état de nouveaux monopoles, celui, par exemple, des raffineries de sucre ou de pétrole, de la rectification de l’alcool et des assurances, pour lui procurer des ressources nouvelles. Il faut tenir compte d’abord des indemnités à payer qui seraient énormes ; puis l’État exploitera-t-il mieux que les particuliers, là est la grande question. Nous ne pouvons, quant à nous, d’après tous les précédens et toutes les analogies, la trancher que par la négative. On aurait singulièrement compliqué la tâche de l’Etat et réduit le champ fécond de l’initiative individuelle, pour aboutir, suivant toutes les probabilités, à des résultats financièrement décevans.


V

Nous ne pouvons terminer cette revue de la gestion financière des trente dernières années et des propositions faites pour en faciliter la liquidation, sans jeter un coup d’œil très rapide sur l’esquisse, d’ailleurs assez vague, que M. Poincaré vient de tracer de son projet d’impôt général sur le revenu. L’on sait que, depuis un quart de siècle, et surtout depuis une douzaine d’années, l’impôt général sur le revenu apparaît comme la grande pensée du règne ; il semble que la République ne sera complète que quand l’impôt général sur le revenu fonctionnera en France.

Nous croyons, quant à nous, que cet impôt ne peut, au contraire, donner en France de bons résultats. Tout répugne chez nous à ce système : et nos mœurs, nos traditions, qui redoutent les investigations dans la vie privée, et notre régime politique, qui nous voue aux passions et aux haines locales, et la répartition de la richesse qui, étant infiniment morcelée, exigera, comme on le verra, pour une taxation de cette nature, un appareil beaucoup plus vaste qu’en Angleterre ou en Prusse. Nous sommes