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ans ? Pas même les budgets qui ont immédiatement suivi la guerre de 1870-71 ! D’où vient que l’on soit acculé à ces difficultés, et que le pays n’en ait pas été solennellement averti ? Comment se fait-il surtout que, à la veille d’une situation si difficile, et alors qu’on devait la connaître, le Sénat ait voté, au commencement d’avril 1906, en période électorale, l’affichage d’un discours ministériel rassurant, presque optimiste, sur l’état de nos finances ? Par quels entraînemens, quelles négligences ou quelle aberration est-on arrivé à cette situation ? C’est ce que nous allons examiner, en prenant toujours pour base de renseignemens l’Exposé des motifs de M. Poincaré. Nous étudierons ensuite les moyens qu’il propose pour pourvoir aux besoins présens, sinon aux besoins prochains.


II

C’est une sorte de rapide revue de la gestion de nos finances depuis 1871 que fait, avec une grande abondance de chiffres et de tableaux, l’Exposé des motifs du budget de 1907. M. Poincaré, négligeant les cadres budgétaires officiels, la plupart du temps inexacts et décevans, groupe pour chaque année écoulée, dans cette période plus que trentenaire, toutes les recettes normales d’une part et, de l’autre, toutes les dépenses. Les recettes normales se sont considérablement accrues : de 1 689 millions en 1870, elles se sont élevées par un bond énorme, par suite des impôts nouveaux qu’établit l’Assemblée nationale, à 2 777 millions en 1875, soit près de 1 100 millions d’augmentation en cinq années ; elles continuèrent de se développer, mais plus lentement : elles atteignaient 3 024 millions en 1885, s’étant ainsi en quinze années accrues de 1 335 millions, ce qui représente sur le point de départ une augmentation d’environ 80 pour 100. Depuis lors, leur allure se calma, certains dégrèvemens d’ailleurs bien tardifs et, dans l’ensemble, insuffisans, étant venus réduire un peu la formidable taxation que nos catastrophes nationales avaient fait établir. En 1904, nos recettes normales atteignaient le point culminant qu’elles aient jusqu’ici touché, à savoir 3 679 millions de francs.

Si colossale qu’ait été l’augmentation des recettes, elle n’a pu égaler celle des dépenses. M. Poincaré a joint à son Exposé un curieux tableau graphique, qui rend saisissable à l’œil les entraînemens