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coulisses complaisantes et les repoussoirs, le balancement trop rythmé des lignes et des masses ne sont plus de mise. Mais les conventions qui les ont remplacées valent-elles mieux ? Pour avoir, autrefois, un peu trop cherché l’ordre, la pondération, abusé de la littérature, exclu au nom du goût certaines réalités comme trop familières, n’avons-nous pas versé dans la confusion, l’absence de toute discipline, la gaucherie ou l’extrême vulgarité, les symétries ou les incohérences également puériles ?

La recherche du tableau avait du bon : elle supposait une préparation, un dessein mûri, le choix et l’accord des divers élémens qui devaient entrer dans L’œuvre projetée, leur subordination en vue d’une impression dont il fallait assurer la clarté et la force. En dépit des affirmations de l’ignorance, tout cela est nécessaire pour la création de l’œuvre d’art ; mais à la condition que l’effort indispensable pour acquérir ces qualités demeure absolument caché.

L’obligation de faire à tout prix du nouveau, et par conséquent de ne ressembler en rien au passé, complique singulièrement à notre époque la tâche du paysagiste. Mais là encore une étude attentive et intelligente de la nature peut l’éclairer et le guider. S’il n’est guère de contrées, si insignifiantes qu’elles paraissent, où il ne trouve à s’intéresser, à se prendre à quelque chose, — la lumière les éclaire toutes, et au-dessus de toutes il y a le ciel, — il est cependant permis d’affirmer qu’il goûtera davantage celles qui semblent manifester une logique et une harmonie qui les recommandent à son attention. A certaines heures, en certaines saisons, un concours particulier de circonstances favorables peut encore ajouter un charme imprévu à l’aspect de ces contrées. On dirait alors que tous les détails ont été choisis pour donner à de pareils spectacles ce cachet d’unité et de beauté supérieures qui les grave d’une manière ineffaçable dans notre souvenir.

L’artiste digne de ce nom doit, par son travail et par la conduite de toute sa vie, se maintenir en état de profiter des enseignemens que lui fournit la nature en de tels momens. C’est souvent notre faute si ces occasions de nous instruire sont pour nous trop rares et trop courtes, si elles ne produisent pas sur nous une action plus durable. Sur ce point encore, Corot nous servirait, au besoin, d’exemple. Son âme exquise avait été dès ses