Dans les premiers jours du mois d’avril dernier, trois semaines environ avant les élections, le Sénat vota l’affichage, dans
toutes les communes de France, d’un important discours de
M. Poincaré, ministre des Finances. Tout en y reconnaissant
que le budget de 1906 n’était équilibré qu’au moyen d’expédiens,
c’est-à-dire de ressources exceptionnelles et d’emprunts, tout
en y déclarant que l’établissement du budget de 1907 offrirait
des difficultés, M. Poincaré glissait rapidement sur ces constatations fâcheuses ; il se livrait, au contraire, avec complaisance, à
une ample apologie de la gestion de nos finances, si ce n’est
depuis trente ans, du moins depuis une dizaine d’années. C’est
ce caractère d’apologie qui, en pleine période électorale, fit
voter l’affichage de ce discours ministériel. L’orateur pouvait
dire qu’il n’avait pas caché la vérité ; et, en effet, pour les quelques rares personnes expérimentées et compétentes, les faiblesses de notre situation financière, si elles n’étaient pas mises en pleine lumière dans cette harangue, n’y étaient pas, cependant, complètement voilées. Il n’en était pas de même pour le
grand public, superficiel et peu au courant des choses de
finances. L’art du ministre avait été, sans nier les difficultés
réelles, de les mentionner si fugitivement et de les noyer dans de
si abondans développemens formant une sorte de panégyrique,
que le lecteur peu familier avec la matière en retirait une impression rassurante. Pour compenser ce langage, optimiste tout
au moins dans la forme et dans l’ensemble, il eût fallu joindre,
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LE BUDGET DE 1907
TRENTE ANS DE FINANCES FRANÇAISES
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