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et en y adressant à la nation ‘un appel qui se termine par une sorte d’interdit lancé contre le gouvernement. Les citoyens sont invités à lui refuser l’impôt et le service militaire. Ce refus est l’ultima ratio, le dernier recours d’un peuple contre lequel toutes les lois ont été violées. On n’en est pas là en Russie. La dissolution de la Douma est un acte violent, mais strictement légal. Si nous cherchons dans notre histoire un fait qui présente quelque analogie avec la situation actuelle de la Russie, le souvenir du 16 mai 1877 se présente à la mémoire. Est-ce que l’Assemblée dissoute à cette époque a eu l’idée de recourir tout de suite à des procédés révolutionnaires ? Non, elle a dit ou on a dit pour elle : — Nous sommes 363, nous reviendrons 400 ! Les membres de la Douma feraient mieux d’imiter ce précédent. Leur réélection serait leur meilleure revanche, et la plus sûre garantie de leur force future.

Attendons la suite des événemens. Notre souhait le plus vif est que la Russie sorte avec le moindre dommage et le plus de rapidité possible de la crise où elle vient d’entrer. Nous nous garderons bien d’ailleurs d’imiter les journaux qui ont prodigué des encouragemens à tel parti contre tel autre et ont annoncé, par exemple, avec fracas, le triomphe prochain et certain de la révolution. Il est douteux qu’ils aient servi utilement les intérêts qu’ils avaient à cœur.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

F. BRUNETIERE.